YouTalks : bien plus qu’une vidéo de chat


YouTalks : bien plus qu’une vidéo de chat

Le lundi 18 décembre 2017

Brïte Pauchet

Si vous consommez la science sur YouTube, il y a de grandes chances que vous connaissiez, au moins de nom, Smarter Every Day, Veritasium ou AsapScience. Ces chaines anglophones cumulent chaque mois entre trois et douze millions de vues. Des chiffres effarants que frôle un seul francophone, Dr Nozman.

La France, pépinière de talents en vidéos de vulgarisation scientifique, produit des têtes d’affiche, mais recèle aussi de nombreuses pépites dans les creux des statistiques. Au Québec par contre, je n’ai compté que trois vidéastes en science (dont deux en provenance directe de l’hexagone) : Vincent Jase, Les petits Aventuriers et Scilabus qui, avec ses près de 40 000 vues mensuelles, est relativement bien positionnée dans l’écosystème du YouTube scientifique francophone.

Un lien entre créateurs isolés

C’est cet isolement relatif qui a poussé Viviane Lalande, la pensée systématique derrière Scilabus, à entamer une collaboration d’un autre type avec le cerveau éclaté du vidéaste français Dirty Biology, Léo Grasset : le podcast YouTalks, dont les premiers épisodes paraitront en janvier 2018. « Notre but est de parler de la vulgarisation scientifique sur internet, et en particulier sur YouTube. Et surtout, de le faire en français, précise la doctorante. On peut se sentir très seul quand on tient une chaine YouTube. On produit nos vidéos chacun dans notre coin, avec peu d’interactions avec les autres vidéastes. » Ce podcast sans prétention — et délibérément sans structure arrêtée — se définit ainsi comme une discussion ouverte entre les deux créateurs et avec le public.

En plus d’amorcer la réflexion sur la pratique au quotidien de production de vidéos, YouTalks vise à dévoiler les réflexions et le processus de création d’un épisode. « Il y a une grosse appétence pour les making of sur YouTube en anglais, signale Léo Grasset. Les gens sont curieux de savoir comment cela fonctionne, même quand eux-mêmes ne produisent pas de vidéo. » 

Travail de l’ombre

Devenir vidéaste scientifique peut en effet s’avérer ardu. Généralement, il n’y a qu’une seule personne en arrière d’une chaine. Il faut donc tout faire : de la recherche à l’écriture de scénario, en passant par le montage et la mise en ligne. Léo Grasset s’adjoint parfois des collaborateurs (comme dans cet épisode délirant sur les dépendances), mais uniquement lorsqu’il peut les rémunérer à leur juste valeur. En effet, la vidéo, pourtant grande consommatrice de temps, ne paie pas, comme le montre cette enquête menée en 2016 par SciTania, une autre vidéaste scientifique.

« Notre podcast peut aussi souligner la crédibilité de notre travail, mentionne Viviane Lalande. Léo, dans ses vidéos, ne parle que de sexe. C’est important de relever la réflexion qu’il a derrière. » Que les lecteurs se rassurent, s’il y a bien des pénis et des clitoris dans les vidéos « éducatives » de Dirty Biology, c’est pour parler biologie évolutive. Mais il faut dire que les mots « pénis » et « porno » dans les titres de deux de ses vidéos rehaussent étrangement le nombre de vues (respectivement 1,4 million et 818 000).

Chacun dans leur style, les deux créateurs attirent une audience fidèle, qui ne se lasse pas de les voir inventer ou explorer leurs limites. Le YouTube de vulgarisation scientifique semble ainsi bénéficier de la même évolution que les blogues de sciences il y a quelques années. Tenu par des amateurs professionnels — ou des professionnels amateurs —, il révolutionne nos façons de faire notre métier. 

Pour aller plus loin:

-    formation ACS YouTube avec Scilabus  (2 sessions sont prévues au mois de février 2018 à Montréal et Québec)

Brïte Pauchet est journaliste, recherchiste et rédactrice scientifique indépendante. Elle collabore avec des médias écrits, radiophoniques et télévisuels. Dans ses temps libres, elle assume, entre autres, la rédaction en chef du blogue du 24 heures de science

 

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