L’humain au cœur d’un monde numérique


L’humain au cœur d’un monde numérique

Le mercredi 13 novembre 2013

Science citoyenne, production de la connaissance et réglementation de l'accès à l'information. La vague numérique a profondément modifié les pratiques.

Par Thérèse Drapeau

Toutes les disciplines scientifiques influencent d’une façon ou d’une autre notre qualité de vie, mais seules les sciences sociales en analysent les impacts. C’est ce que démontrent les Forums mondiaux des sciences sociales dont la deuxième édition s’est tenue à Montréal, du 13 au 15 octobre 2013, sur le thème Transformations sociales et ère numérique. Organisées par le Conseil international des sciences sociales, appuyées par l’Association internationale de science politique, ces rencontres sont l’occasion d’affirmer la place importante qu’occupent les sciences sociales à travers le monde. Les chercheurs de plusieurs domaines liés aux sciences sociales profitent de cette tribune multidisciplinaire pour échanger sur les nouvelles approches des problèmes et enjeux globaux tant au plan méthodologique que pratique.

Le premier Forum mondial des sciences sociales s’est tenu à Bergen, en Norvège, en mai 2009, sous le thème Une planète - des mondes distincts? tandis que le prochain aura lieu en 2015, à Durban, en Afrique du Sud, sur le thème Transformer les relations mondiales pour un monde juste.

Le Forum a réuni des chercheurs de renom et près d'un millier de participants d'environ 80 pays. On y a discuté des derniers développements de la recherche sur les impacts sociaux des technologies numériques qui ont bouleversé l'organisation du travail, la production de la connaissance et la réglementation de l'accès à l'information.

Communicateurs scientifiques au programme

Yanick Villedieu, Hervé Fisher et moi-même avons participé à quelques tables rondes en lien avec les communications. La première, Quel humain et quelle humanité dans l'ère numérique?était animée par Yanick Villedieu et a réuni deux chercheurs dans le domaine de la sociologie, Hervé Fischer et Christian Licoppe. Ce dernier décrit l’humain moderne dans sa dimension quantified self, un concept qui réfère aux multiples applications numériques qui permettent aux gens d’agir en se regardant agir et en partageant leur développement personnel sur les réseaux sociaux. Par exemple, l’application de Fitbit permet d’enregistrer et de partager avec des milliers de personnes quantité d’informations en vue de perdre du poids, d’améliorer ses performances sportives et de surveiller son état de santé. Pour sa part, le philosophe et artiste multidisciplinaire Hervé Fisher a illustré par de multiples exemples le passage de l’évolution naturelle, darwinienne, à l’évolution multiforme et non linéaire du monde contemporain. À l’image de la réalité augmentée, l’humain développe une conscience augmentée de lui-même grâce à une somme considérable d’informations plus ou moins intimes qui le définissent de l’intérieur et de l’extérieur. Yannick Villedieu s’est étonné de l’aliénation volontaire ou de l’inconscience de plusieurs internautes qui se livrent sans pudeur sur les médias sociaux, brisant la frontière entre la personne publique, en société, et la personne privée authentique avec elle-même.

Hervé Fisher a par la suite animé Le numérique comme nouvel outil de connaissance-interaction auquel participait Monique Simard, directrice générale du programme français de l‘ONF. Elle a démontré l’énorme potentiel d’interactivité avec le public grâce aux documentaires sociaux multimédias produits à l’ONF. D’ailleurs, jusqu’au 27 novembre, on peut en faire soi-même l’expérience sur le site où, en choisissant des mots clés représentant ce qui nous caractérise, nos valeurs et nos malaises, on peut ensuite faire la connaissance virtuelle d’une personne qui nous ressemble et d’une autre qui nous est opposée, poussant ainsi la réflexion sur ce débat de société. Plusieurs autres thématiques seront au programme de cette intéressante initiative, comme quoi le numérique peut aussi contribuer à la recherche et à la science citoyenne. Cette table ronde a permis de s’interroger sur la question de l'objectivité en sciences sociales, le numérique modifiant les objets des recherches autant que les méthodologies de recherche et les valeurs sociales.

Enfin, j’ai moi-même animé deux présentations au cours du Forum. Lors de la première, intitulée Communication du développement durable : opportunités et tensions à l’ère numérique, trois chercheures y ont abordé de façon complémentaire la dynamique des communications en matière de développement durable et d’environnement. Céline Pascual Espuny, maître de conférence à Aix-Marseille Université, a présenté plusieurs réactions d’entreprises ayant affronté des situations de crise et des scandales publics, un éventail qui va du déni jusqu’à la transparence en passant par le silence ou les ripostes maladroites. Solange Tremblay, professeure associée à l’UQAM et présidente du Groupe DURABILITÉ | COMMUNICATION, a présenté la deuxième partie d’une étude menée auprès des 100 plus grandes entreprises canadiennes depuis 2003 sur leur habileté à communiquer sur le web leur vision et leurs réalisations en matière de développement durable. Encore une fois, le portrait est ici multiforme et se promène du pire au meilleur! Nicole d’Almeida, de la Sorbonne, a utilisé le cinéma, la presse écrite et le web pour étudier comment la question des changements climatiques est perçue et véhiculée dans ces médias suscitant émotion, provoquant de la désinformation ou pêchant par surinformation!

 Pour terminer, j’ai animé une discussion organisé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) intitulée Transformer les modes de consommation et de production pour un développement durable : le rôle des sciences sociales. Fabienne Pierre y a présenté un nouveau portail créé à la suite de la récente conférence mondiale Rio+20. Ce site inauguré en mai 2013 rassemblera une grande variété d’initiatives pour contribuer à éradiquer la pauvreté et avancer sur la voie du développement durable. Les participants ont discuté de la transition que doit opérer le monde vers le développement durable à l’ère numérique.

 

Thérèse Drapeau est muséologue et communicatrice scientifique. Elle œuvre dans le domaine de l'environnement et du développement durable depuis une trentaine d'années et a été commissaire de plusieurs expositions à caractère scientifique, historique et patrimonial. Elle agit régulièrement comme animatrice lors d'événements publics culturels ou scientifiques.


 

 

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