De la physique des matériaux à la sphère politique


De la physique des matériaux à la sphère politique

Le mercredi 31 juillet 2013

Professeur de physique, animateur de radio et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation, Normand Mousseau explique son engagement en politique depuis son premier livre Au bout du pétrole.

Par Normand Mousseau

Physicien et chercheur, je n’ai pas souvent l’occasion de parler de ce qui m’a amené à la vulgarisation scientifique. Aussi, lorsque Valérie Levée de l’Association des communicateurs scientifiques m’a demandé d’écrire un court texte sur mes motivations, j’ai tout de suite accepté, même si je ne savais trop comment m’y prendre.

Dès le primaire, mon choix de carrière s’était d’abord arrêté sur quelques professions telles que physicien, journaliste, philosophe ou politicien, avec, bien sûr, quelques autres pistes au fil des découvertes. Si la science, la politique et les médias m’intéressaient grandement, je finis par choisir la première, me disant que j’aurais toujours le temps de me frotter aux deux autres.

Pas surprenant que je me sois ainsi associé, lors de mon passage au cégep, au journal étudiant Le Bloc, tout en assurant sa direction durant ma deuxième année. Par la suite, la physique et la musique occupèrent une grande part de mon temps, si bien que j’ai assez peu écrit durant mon baccalauréat et ma maîtrise en physique. 

C’est au doctorat seulement que j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement à la vulgarisation scientifique, sous forme écrite, mais aussi orale. Sous l’impulsion d’une étudiante remarquable, Diandra Lesley-Pelecky, une bande de doctorants dont je faisais partie, avait formé une organisation dédiée à l’éducation scientifique, Science Theatre. Nous avions réussi à décrocher une subvention assez importante du gouvernement américain nous permettant, sous le regard parfois réprobateur de certains professeurs, de visiter des écoles afin d’expliquer, sous la forme de sketchs amusants, des principes scientifiques fondamentaux tout en tenant une chronique dans le journal local. Le succès fut instantané! 20 ans plus tard, Science Theatre regroupe toutes les disciplines scientifiques et continue son travail d’éducation auprès des jeunes Michiganais.

Malgré mon intérêt pour ces activités, les années suivantes furent plutôt dédiées à la recherche. Ce n’est qu’à mon retour au Canada, comme professeur à l’Université de Montréal, que j’ai vraiment recommencé à voir comment je pouvais contribuer, en tant que physicien, à une meilleure compréhension de la science. S’il est facile de s’impliquer dans des activités para-universitaires par des conférences dans les cégeps et visites de groupes scolaires, œuvrer hors de cet environnement m’apparaissait beaucoup plus difficile.

C’est finalement grâce à l’Agence Science-Presse que j’ai trouvé la voie. En 2005, Pascal Lapointe et Josée-Nadia Drouin avaient lancé Science! On blogue, un des premiers sites de blogues scientifiques du monde francophone. C’était pour moi une occasion rêvée de sortir un peu des limites de mon monde et, ce que je découvris par la suite, de réapprendre à écrire en français, car la science de pointe s’écrit avant tout en anglais...

Ce blogue, que j’ai tenu durant trois ans, m’a donné le courage de m’attaquer à un projet qui me trottait dans la tête depuis de nombreuses années : la rédaction d’un livre grand public qui présenterait les fondements de la matière qui nous entoure. Après une centaine de pages, toutefois, je dus me rendre à l’évidence : je ne savais pas comment rendre ce sujet passionnant. L’idée d’un livre étant toujours là, je pris quelque temps pour déterminer un sujet scientifique qui permettrait de combler un certain vide. C’est alors que j’ai commencé à travailler sur Au bout du pétrole. L’énergie est, après tout, au cœur de la physique; je pouvais ainsi m’appuyer sur ma discipline tout en débordant allègrement vers la géologie, l’économie et l’environnement, ce qui me plaisait grandement. 

Au bout du pétrole est paru en avril 2008, deux ans après que j’eus commencé sa rédaction, grâce à une équipe éditoriale remarquable formée de Jean-Marc Gagnon et Lise Morin des Éditions MultiMondes. Le livre jouissait d’un timing impeccable et imprévu : le prix du baril de pétrole venait de passer le cap des 100 $ et ne semblait pas vouloir s’arrêter. Les médias, à la recherche d’explications, firent que je devins rapidement un habitué des émissions d’information. L’énergie et, plus tard, les ressources naturelles allaient devenir mon domaine d’expertise publique, alors que mes travaux numériques en physique des matériaux, mes études sur les maladies amyloïdes resteraient confinés à la sphère professionnelle.

Je ne m’en plains pas. L’énergie est un vaste domaine qui permet d’ouvrir la science pure et fondamentale aux aspects environnementaux, économiques, sociaux et politiques. Avec ma nomination à la coprésidence de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec avec Roger Lanoue, j’aurai l’occasion de toucher à tous ces domaines afin de dégager, avec l’ensemble des Québécois, une vision ambitieuse et emballante pour l’avenir énergétique du Québec. Que demander de plus? 

Normand Mousseau est professeur de physique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique numérique des matériaux complexes. Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’énergie et les ressources naturelles. Son dernier, Le défi des ressources minières, est sorti à l’automne 2012 aux Éditions MultiMondes. Outre ses recherches et ses activités en énergie, il anime également La Grande Équation, une émission de vulgarisation scientifique hebdomadaire diffusée sur les ondes de Radio Ville-Marie ainsi que sur Internet et iTunes.

 

> Retour à la liste des nouvelles