Sous la peau, un trésor, une œuvre d’art


Sous la peau, un trésor, une œuvre d’art

Le mercredi 10 juillet 2013

Brïte Pauchet dévoile les secrets de l'exposition « Quand l'histologie devient une oeuvre d'art » présentée au congrès de l'Acfas en mai.

Par Brïte Pauchet

Acfas 2013. Vingt toiles colorées attirent les chalands. Quand on s’en approche, au lieu des traditionnels paysages gaspésiens, on y découvre un œsophage, une valvule cardiaque, des neurones. Retour sur l’exposition « Quand l’histologie devient une œuvre d’art ».

10 mai 2013. Je suis dans le pavillon Fernand-Vandry de l’Université Laval, en admiration devant une vingtaine d’acryliques carrées. Devant moi se mêlent mes deux amours, intimement liées : l’art et la science. Plus spécifiquement, la peinture et ce qui fait de nous des êtres humains, nos tissus et nos cellules.

Au microscope, les cellules seraient invisibles sans coloration. Trichrome de Masson, hématoxyline — éosine, bleu alcian. Sous les doigts de techniciens experts, les cellules prennent vie. Chargé d’ADN, le noyau devient bleu violacé alors que le cytoplasme vire au rose vif et que le collagène affiche un vert flamboyant.

C’est cette symphonie de formes et de couleurs qui a poussé Éric Philippe, professeur d’histologie à la Faculté de médecine de l’Université Laval, à approcher le peintre Guy Lemieux pour concevoir un atelier de peinture insolite. Quatre étés durant, leurs étudiants, pour la plupart ni artistes ni scientifiques, ont effleuré les secrets du corps humain et se sont initiés aux techniques picturales dans un cadre enchanteur, l’École internationale d’été de Percé.

Attirée par l’originalité de la démarche, l’aquarelliste Marie-Thérèse Wéra a apprécié l’accessibilité de leurs deux guides. Ses coups de pinceau ont pris de l’assurance sous la supervision tranquille de Guy Lemieux. Sa compréhension du corps humain s’est affinée grâce aux exposés savoureux d’Éric Philippe.

Jour après jour, l’apprentissage conjugué des deux matières permettait aux élèves d’apprécier leurs œuvres d’un œil nouveau. Privilégiant une osmose totale, chaque spécialiste participait à l’atelier de l’autre, Éric Philippe tenant pour la première fois de sa vie un pinceau et Guy Lemieux découvrant le corps humain comme il ne l’avait jamais vu.



Une cellule, un tissu, un organe, ça ressemble à quoi?? Le fait de n’avoir aucun a priori par rapport au sujet traité permet de sortir facilement de la représentation figurative, raconte Marie-Thérèse Wéra. « En essayant de faire des agrandissements [des cellules], on a l’impression de faire du non-figuratif, alors que c’est du figuratif. On frôle l’abstraction. » Et c’était exactement le but recherché par Guy Lemieux. Ce pédagogue reconnu sait que les peintres débutants se concentrent essentiellement sur la reproduction exacte de ce qu’ils voient. En utilisant comme base les coupes histologiques, il a pu focaliser l’attention de ses élèves sur l’apprentissage des formes, des textures, des transparences et des couleurs. Ce qui n’est pas une petite chose, tant s’en faut.

Ainsi, l’indicible beauté observée en solitaire devant le microscope s’est propagée à un auditoire attentif et curieux. En démystifiant le corps humain, Éric Philippe a ouvert les portes de la science à des gens qui ne la voient que de loin. Une participante a compris son quadruple pontage en dessinant des valvules. Une autre, paralysée du côté droit à la suite d’un récent AVC, a profité de l’atelier pour apprivoiser sa main gauche. Chacun s’est approprié son petit bout d’humanité. « Faire connaître le corps humain par l’exploration artistique, ça m’apporte cette ouverture, précise Éric Philippe. C’est bien joli mes diplômes, mais il faut s’ouvrir au monde. » Une approche que le professeur tient à disséminer dans toute université.

L’exposition « Quand l’histologie devient une œuvre d’art » rassemblait les œuvres des élèves de l’École internationale d’été de Percé, tenue à l’Université Laval lors du 81e congrès de l’Acfas.

École d’été de Percé

Reportage sur le Canal Savoir

Source des images : Université Laval

Brïte Pauchet est curieuse de nature, vétérinaire de formation, amoureuse des sciences sous toutes leurs formes, pigiste en rédaction et en communication scientifique et membre du Conseil d’administration de l’ACS.

 

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