Les organismes en culture scientifique : l’avenir en 50 nuances de gris


Les organismes en culture scientifique : l’avenir en 50 nuances de gris

Le mercredi 10 juillet 2013

L'avenir des organismes en culture scientifique passe par les subventions gouvernementales, mais aussi par les collaborations avec l'industrie privée et les universités.

Par David Carter

Chaque organisme en culture scientifique essaie de s’emparer d’une pointe de la tarte « subvention », dont la taille ne cesse de diminuer avec les années. Ce travail en vase clos peut être « lourd à porter et démotivant », juge Josée-Nadia Drouin, directrice de l’Agence Science-Presse (ASP).

Selon elle, l’avenir s’avère plutôt gris pour les petites organisations qui œuvrent en culture scientifique, un domaine de plus en plus soumis aux aléas de l’économie. Depuis quelques années, Madame Drouin note une logique de plus en plus marchande dans l’octroi et la reddition de compte des subventions. « Étrangement, alors que je dirige une organisation à but non lucratif, je dois dorénavant jongler avec un vocabulaire économique incluant une notion de performance, du genre combien ça coûte? Combien ça rapporte? » signale-t-elle. « Une telle incompréhension du fonctionnement des organisations à but non lucratif s’avère parfois une grande source de démotivation, d’autant qu’on s’engage souvent dans ces organisations avec passion! »

Pour sa part, Félix Maltais, éditeur des Publications BLD (Les Débrouillards, Les Explorateurs), se dit optimiste. « Mais on reste un peu à la merci de politiciens à courte vue (la prochaine élection), qui ne s'intéressent pas à la science et qui n’ont aucun prix politique à payer quand ils nous coupent, contrairement à leurs autres coupes (en culture, aux municipalités, etc.) », se désole-t-il.

Magazines au bord de la crise

Le marché québécois des magazines est en crise. « Pas tant du côté des lecteurs, encore assidus, mais du côté des annonceurs qui dispersent désormais leurs dépenses publicitaires sur de multiples pages web et sur un nombre de plus en plus grand de magazines, paradoxalement », précise Pierre Sormany, directeur général des Éditions Vélo Québec. Sans oublier que les annonceurs institutionnels, surtout le gouvernement et les universités, ont coupé leurs budgets de promotion cette année.

La solution, selon Monsieur Sormany, passe en partie par l'investissement dans de nouvelles plateformes de diffusion (web, tablettes, mobiles…) et de nouveaux modes de distribution qui permettraient de profiter de ces nouveaux canaux publicitaires et d’élargir le public. « La crise des revenus fait que nous n'avons pas les ressources pour faire ces investissements », confit-il. Le hic, les plus simples applications pour tablettes requièrent des milliers de dollars d’investissement par plateforme technologique. Le déploiement d'un contenu enrichi impose aussi des coûts additionnels de quelques milliers de dollars à chaque parution. Un programme de soutien direct à l'expérimentation et au développement des magazines de science sur les nouveaux supports ou un appui à leur distribution auprès de nouvelles clientèles ciblées sont d’autres avenues proposées par Monsieur Sormany.

Pourtant, en matière de diffusion de la culture scientifique, et surtout de développement d'un esprit critique, « les magazines demeurent des outils extrêmement performants pour prolonger l'acquisition culturelle au-delà de l'école et favoriser une participation éclairée des citoyens », juge Monsieur Sormany.  Après tout, nous avons une expertise éprouvée dans la communication de l'information auprès du grand public ».

Cohésion d’équipe

Pour Jacques Kirouac, directeur général de Science pour tous, la plus grande difficulté dans le financement des organismes en culture scientifique est d’identifier la personne-ressource au sein de chacune des entreprises qui pourraient participer au financement d’activités ou d’organismes. « Cette personne décisionnelle qui pourrait se rendre compte de la qualité, de l’efficacité, de la persévérance et de la passion qui anime le milieu scientifique et qui ne demande qu’à convaincre autant qu’à contaminer les jeunes avec enthousiasme pour les inciter à choisir une carrière scientifique », précise-t-il.

Selon Monsieur Kirouac, les organismes en culture scientifique tireraient profit de former un comité permanent avec les subventionnaires afin de se pencher sur la question. « Le comité pourrait envisager des actions communes pour du financement plus global au prorata des diffusions que pourrait offrir l’ensemble des organismes dans leurs médias, dans leurs bulletins ou magazines par exemple », précise-t-il.  

« Le MESRST (ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie du Québec) pourrait inviter des entreprises intéressées au développement de la science et de la technologie et à l’innovation à rencontrer des organismes de diffusion, que nous sommes tous, pour être certains que le message passe et se rende jusqu’aux décideurs », suggère par ailleurs le directeur de Science pour tous.

« Une concertation des plus petites organisations pour décrocher une commandite auprès d’entreprises qui aimeraient investir une aide appréciable dans la culture scientifique (et non seulement sur les projets uniques d’une organisation) pourrait présenter une solution intéressante. », croit aussi la directrice de l’ASP.

Monsieur Roland Grand’Maison, directeur général du Conseil de développement du loisir scientifique (CDLS), est d’accord. « Dans la communauté des organismes de culture scientifique, il y a tellement d’offres de services, que la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite. On a besoin de plus de cohésion. »

Cette meilleure cohésion doit viser tant les organismes voués à développer cette culture scientifique que les autres intervenants — chercheurs, universités, milieu de l’industrie privée, qui influent sur la qualité et la quantité des produits offerts.

Les caractéristiques permettant de bonifier le programme NovaScience (la principale source de subvention des organismes en communication scientifique au Québec) par l’entremise de la prochaine politique nationale de recherche et d’innovation (budget, critères, etc.) sont actuellement à l’étape de l’élaboration. Par ailleurs, le renouvellement du programme est lié à celui de son cadre normatif par le Secrétariat du Conseil du trésor, lequel arrivera à échéance le 31 mars 2014. En espérant que les organismes de culture scientifique réussissent à se concerter et à diversifier leurs sources de financement d’ici là… cela pourrait toujours être utile!

Agronome, biologiste de formation et nouvellement secrétaire du Conseil d’administration de l’ACS, David Carter repère les tendances en matière de recherche et de science pour le gouvernement du Québec. Vous pouvez aussi le suivre sur Twitter @DavidCarter52.

 

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