Montréal, l’Afrique et le journalisme scientifique


Le mercredi 19 juin 2013

Vendredi 7 juin 2013, Théodore Kouadio et Boureima Sanga ont visité les différents médias scientifiques et découvert Montréal. Une belle journée d’échanges professionnels et culturels.

Par Clémence Cireau

Théodore Kouadio était invité pour une présentation sur le journalisme scientifique en Afrique pour le congrès de l’ACS, samedi 8 juin. Journaliste ivoirien depuis presque vingt ans à Fraternité Matin, il pratique le journalisme scientifique depuis maintenant cinq ans. Numéro deux de la version internet du journal à Abidjan, il est responsable de la section Science et technologie. Il est également coordonnateur des nouvelles de Scidev.net en Afrique de l’Ouest.

Ce qu’il appelle «son aventure de journaliste scientifique» a démarré avec la première édition du programme de mentorat SjCOOP organisé par la Fédération mondiale des journalistes scientifiques en 2008. Lors de la deuxième édition, il est devenu à son tour mentor. L’un de ses mentorés, le journaliste burkinabé Boureima Sanga, est actuellement en stage à Québec Science. Il s’est lui aussi joint à ce vendredi de visites.

Photo : Marie-Pier Élie, Théodore Kouadio, Binh An Vu Van, Boureima Sanga et Clémence Cireau devant le Stade olympique de Montréal.

La journée a débuté par un bagel au Saint-Viateur sur Mont-Royal. Et les discussions se sont rapidement enchaînées: débat sur l’accès à l’éducation (avec un petit retour sur les évènements du Printemps érable), les spécialités culinaires, l’histoire de la province et les différentes vagues d’immigration au Québec…

Première étape, le 1124 rue Marie-Anne pour rencontrer l’équipe de l’ACS et parler de gestion de communauté avec Antoine Bonvoisin de l’Agence Science-Presse. «Vu que les journalistes sont très peu formés en science en Afrique, l’idée d’une agence de presse spécialisée qui fournirait du contenu aux médias est vraiment intéressante», conclut Théodore à la fin de la visite.

La science face aux croyances

Ensuite, direction Québec Science. Ce fut l’occasion d’aborder un des gros problèmes du journalisme scientifique en Afrique: les croyances. «Comment parler des changements climatiques alors que la plupart des gens pensent que s’il ne pleut pas, c’est à cause du mauvais sort?» s’interroge Théodore.

Les échanges se poursuivent. Des questions fusent de part et d’autre. Quels sont les sujets les plus abordés? «En Afrique, les journalistes scientifiques ne parlent pas d’astronomie ou de physique quantique, ce sont des problèmes de pays riches. Les journalistes parlent d’agriculture ou de santé, pas du Boson de Higgs», explique Théodore, «les dirigeants des journaux ne veulent pas en entendre parler».

La journée continue. «Parle-nous du Québec, qu’est-ce qu’il faut manger, qu’est-ce qu’il faut voir?» Les différents trajets à pied ou en taxi ont été mis à contribution pour faire découvrir aux deux invités le maximum de choses. Arrivés en bas de la tour de Radio-Canada, petite séance photo et dégustation de la fameuse poutine québécoise (qu’ils ont fortement appréciée).

Les estomacs rassasiés, Michel Rochon leur présente le CDI de Radio-Canada. Boureima est impressionné. «On est vraiment loin de l’Afrique de l’Ouest là». Ensuite, direction l’enregistrement des Années lumières. Après l’émission, les équipes de Découverte et des Années lumières se réunissent autour d’un café. Les débats décollent. «En Afrique, les scientifiques ne veulent pas rencontrer les journalistes. Ils n’ont pas confiance ou on leur interdit de nous parler.» Toute l’équipe de Découverte se met à rire. Cela leur rappelle quelque chose! Mais il est déjà temps de repartir. Hélène Leroux, rédactrice en chef de Découverte espère que «ces quelques moments ont permis à tous de profiter de l'expérience de chacun».

La dernière rencontre est avec Félix Maltais et l’équipe des Débrouillards. Les deux journalistes sont ressortis avec plusieurs idées pour intéresser un plus jeune public. «C’est l’avenir de l’Afrique, il faut les initier rapidement à la science et à la recherche,» explique Théodore.

Des réalités différentes, mais semblables

Une idée a dominé tous ces échanges : que ce soit au Québec ou en Afrique de l’Ouest, les journalistes scientifiques font face aux mêmes problématiques et ils les traversent avec la même passion. Boureima confirme: «J'ai compris que les journalistes scientifiques, qu'ils soient du Nord ou du Sud, ont à peu près les mêmes objectifs et les mêmes soucis; cela m'a donné beaucoup de courage de poursuivre dans ce métier.» Quant à Théodore, il confie que «ces différentes rencontres m'ont permis d'échanger avec des journalistes scientifiques d'autres horizons, et d’échanger des expériences. J'espère pouvoir faire profiter de cette expérience à mes collègues, journalistes ivoiriens.»

Après un petit tour en haut du Mont-Royal et une marche dans le vieux port, la journée s’est terminée par un arrêt au stade olympique. Les deux journalistes, fatigués, mais ravis, ont même eu droit à une dégustation de fromages, de produits de l’érable et de bières québécoises. 

Clémence Cireau est journaliste scientifique indépendante. Titulaire d'une maitrise en journalisme scientifique, elle vient d'être élue administratrice de l'ACS. Depuis novembre 2012, elle dirige également le collectif de journalistes indépendants UBLO.

 

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