Ce que les scientifiques ne pourraient faire sans vous


Ce que les scientifiques ne pourraient faire sans vous

Le mardi 9 avril 2013

ÉPOQ : une contribution citoyenne à l'étude des oiseaux du Québec.

ÉPOQ. Tout un nom pour une épopée. ÉPOQ, pour Étude des populations d’oiseaux du Québec, c’est une base de données de neuf millions de mentions d’espèces, étalée sur plus de soixante ans. En résumé, ÉPOQ, c’est l’apport inestimable de simples citoyens à la science d’aujourd’hui.

1973. Jacques Larivée, ornithologue amateur et informaticien professionnel, propose de rassembler en un seul lieu toutes les fiches d’observation d’oiseaux du Québec: un fichier informatique, une base de données. Le concept obtient deux ans plus tard une subvention de la Fédération québécoise du loisir scientifique. ÉPOQ, l’Étude des populations d’oiseaux du Québec, était née.

"Trente-huit ans et 25 000 ornithologues « amateurs » plus tard, ÉPOQ recense neuf millions de mentions d’espèce. Tous les ans, les 6 000 membres des 33 clubs d’ornithologie de la province y ajoutent 37 500 nouvelles entrées. Chacune de ces observations est validée par un coordonnateur régional avant d’être envoyée au coordonnateur général et créateur d’ÉPOQ, Jacques Larivée", précise Jean-Sébastien Guénette, directeur général du Regroupement QuébecOiseaux. Ainsi, chaque étape du processus fait participer des bénévoles passionnés.

Certaines données sont pourtant bien plus anciennes. Profitant du format numérique, ÉPOQ s’est enrichie des observations de Victor Gaboriau, initiateur de l'ornithologie scientifique au Québec, qui datent de 1946-51. La plus vieille mention remonte au 27 juin 1833: un certain Audubon a eu la chance de découvrir une nouvelle espèce, le bruant de Lincoln du côté de Natashquan.

Mais revenons à aujourd’hui. En 2011, Internet a remplacé les traditionnelles fiches papier. Les amateurs peuvent désormais colliger et conserver leurs observations personnelles et tenir à jour leurs différentes listes d’oiseaux directement sur le site Internet. Preuve de l’attrait des nouvelles technologies: le nombre de feuillets soumis a explosé dès la mise en ligne de la base. Jean-Sébastien Guénette renchérit: « Les participants peuvent voir leurs données sur une carte, avoir leurs statistiques, voir les observations des autres. Cela facilite la découverte de nouvelles espèces et permet de cibler d’autres lieux d’observation. L’hiver dernier, on a pu suivre en direct l’invasion dans le sud du Québec de la chouette lapone, un hibou qui niche en forêt boréale. » Mais d’autres «amateurs» sont particulièrement intéressés par une telle masse d’informations.

2013. Dominique Berteaux, professeur-chercheur à l’Université du Québec à Rimouski, étudie l’impact des changements climatiques sur la faune et la flore du Québec. Sans le travail de ces 25 000 passionnés, il ne pourrait rien faire. «Les scientifiques ne disposent pas des ressources pour collecter l’information sur un territoire aussi étendu et pendant une période de temps aussi longue. ÉPOQ est une source d’informations inestimable.»

Un exemple de résultat: la modification de l’aire de répartition du cardinal rouge (voir figure ci-jointe). Dans Changements climatiques et biodiversité du Québec: vers un nouveau patrimoine naturel, dont la sortie est prévue à l’hiver 2013, les auteurs  Dominique Berteaux, Nicolas Casajus et Sylvie de Blois précisent:

« Le cardinal rouge fournit un exemple spectaculaire de remontée nordique. Dans les années 1960, il était confiné à la région de Montréal]. À cette époque, seulement 0,1 % des feuillets d’observation des ornithologues du Québec mentionnaient l’espèce. [...] Dans les années 2000, il apparaissait sur 12 % des feuillets d’observation. L’espèce a en outre été observée de plus en plus au nord bien que les ornithologues n’aient pas  changé leurs habitudes d’observation. L’assiduité des observateurs d’oiseaux (518 449 feuillets d’observations consignés dans ÉPOQ entre 1960 et 2009) a ainsi permis de détecter l’imposant changement de répartition du cardinal. »

cardinalLieux d’observation du Cardinal rouge (points rouges) et origine des feuillets d’observation d’oiseaux, toutes espèces confondues (cercles noirs), compilés dans la banque de données ÉPOQ durant les cinq dernières décennies au Québec. Sous chaque décennie apparaissent les pourcentages de feuillets d’observation dans lesquels les ornithologues ont noté la présence du Cardinal rouge (photo : Wiki Commons).

Il faut préciser que, parmi les projets du Regroupement QuébecOiseaux, ÉPOQ est le plus populaire. Jean-Sébastien Guénette explique: «On en demande le moins possible. Les fiches sont simples: date et lieu d’observation, nom de l’espèce, nombre d’individus. Des informations que les ornithologues prennent souvent déjà en note pour eux-mêmes».

Au Club d’ornithologie du Bas-Saint-Laurent, Dominique Berteaux contribue activement à ÉPOQ et à l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec, une initiative du Regroupement QuébecOiseaux, du Service canadien de la faune d’Environnement Canada et d’Études d’oiseaux Canada. Ce qu’il apprécie particulièrement en tant que scientifique? « Quand des amateurs sont impliqués et voient que ce qu’ils apportent sert, ça a un énorme pouvoir de sensibilisation. »

Brïte Pauchet est
Curieuse de nature,
Vétérinaire de formation,
Amoureuse des sciences sous toutes leurs formes,
Pigiste en rédaction et en communication scientifique.

 

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