Des bibliothèques? Pour quoi faire?


Des bibliothèques? Pour quoi faire?

Le mardi 19 mars 2013

Les compressions budgétaires fédérales de 2012 forcent la fermeture de nombreuses bibliothèques.

Par Valérie Levée

Une bibliothèque, lieu de partage des connaissances par excellence. L'ouverture d'un tel établissement est généralement accueillie comme une démocratisation de l’accès à la culture, un signe de modernité. Mais quand une bibliothèque ferme, c’est quoi? Hélas, avec les restrictions du budget fédéral de 2012, c'est par dizaine qu’elles fermeront leurs portes.

Pêches et Océans Canada

Dans un article paru le 1er mars dernier dans la revue Marine Pollution Bulletin, Peter  G. Wells, professeur à l’Université Dalhousie, dénonce la fermeture de 9 des 11 bibliothèques de Pêches et Océans Canada (POC). « L’élimination de la plupart des bibliothèques de biologie marine du Ministère des Pêches et Océans du Canada est particulièrement néfaste », écrit-il.

Même si les chercheurs consultent leurs revues scientifiques électroniques favorites depuis leur ordinateur, ils fréquentent toujours leur bibliothèque locale pour consulter des archives, de la littérature grise non numérisée ou pour demander à un bibliothécaire de leur faire parvenir un document disponible ailleurs.

Rejoint par courriel, Peter G. Wells raconte comment il a mesuré l’importance de cette littérature grise alors qu’il écrivait un chapitre de livre sur l’histoire de la recherche environnementale à la Station biologique de St. Andrews au Nouveau-Brunswick. La bibliothèque de la station avait été une source d'informations irremplaçable. Elle doit maintenant fermer et ses collections être envoyées à l'une des 2 bibliothèques restantes de POC.

Au Québec, c’est la bibliothèque de l’Institut Maurice-Lamontagne qui ferme.

Certes, les chercheurs auront toujours la possibilité de s'adresser aux 2 bibliothèques restantes pour demander un document. Mais une question se pose: les ressources humaines seront-elles suffisantes pour recevoir tous les documents en provenance des 9 établissements en voie d’être fermés et pour répondre à la demande des chercheurs? À ceci s’ajoute le fait que les bibliothèques de POC servent de centres de documentation pour les chercheurs d’autres institutions scientifiques régionales. Ainsi, la bibliothèque de l’Institut Maurice-Lamontagne reçoit la visite des chercheurs de l'UQAR et de l’Institut maritime du Québec.

Elles sont aussi ouvertes au public, comme on peut encore le lire sur le site internet de POC : « Toutes les bibliothèques sont ouvertes au public et leur personnel peut répondre à vos questions ». Et si vous n'avez pas, ou plus, de bibliothèque de POC près de chez vous, vous pouvez faire venir des documents par le service de prêt entre bibliothèques ... si le personnel de POC en a le temps.

Selon Peter G. Wells, si des documents d'importance historique sont perdus et si l'accès au personnel des bibliothèques est réduit, ce ne sera pas sans conséquences pour le public.

Dans les autres ministères

Parcs Canada, Ressources Naturelles Canada (RNCan), Citoyenneté et Immigration Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Transport Canada… vivent la même situation. Ainsi, RNCan fermera 5 de ses 13 bibliothèques. Parcs Canada en fermera 4, dont celle du centre de service de Québec.

Même les archives du Centre culturel canadien de Paris fermeront leurs portes.

Dans une lettre des sociétés d’histoire de la Ville de Québec adressée à Stephen Harper pour dénoncer les compressions budgétaires à Parcs Canada, on lit : « Fermer la bibliothèque et fermer le centre de documentation du Centre de services de Québec les rendront inaccessibles aux employés du Centre de services, mais également aux spécialistes externes, aux chercheurs universitaires et au grand public ».

Quant à Bibliothèque et Archives Canada, les compressions ont entraîné la suppression de 215 postes et fragilisé 235 autres, affectant entre autres le prêt entre bibliothèques et la numérisation. Et un nouveau code de conduite enjoint les membres du personnel encore en place à renoncer à partager leurs connaissances en tant qu’enseignants ou conférenciers.

C'est à se demander ce que vaut la connaissance pour le gouvernement Harper. Pour Peter G. Wells, ces fermetures de bibliothèques, le déménagement des collections, les pertes d’emplois ne sont pas dignes d’un pays démocratique et révèlent un manque de respect pour l’information, la science et le bien public.

Valérie Levée est biologiste de formation, journaliste scientifique de reconversion et communicatrice scientifique multifonctions.

 

> Retour à la liste des nouvelles