Les bars des sciences au Saguenay ont 10 ans


Les bars des sciences au Saguenay ont 10 ans

Le mardi 5 mars 2013

Une pinte de connaissances, s’il vous plaît!

Par Emmanuelle Bergeron

Il est 17h00 pile. L’Ambigüe, la Libertine et la Gigonne, les bières brassées à La Voie Maltée, commencent à couler. La rumeur du bar se tait, l’animateur prend la parole.

« Bonsoir! Bienvenue au bar des sciences. Quels sont ceux parmi vous qui sont ici pour la première fois? » Une bonne trentaine de mains se lèvent. Sur la centaine de clients, en ce mardi 19 février 2013, la majorité de la salle fait partie des habitués du bar des sciences de Jonquière. Ces rendez-vous, tenus à raison de 3 ou 4 par année, fêtent cette année leurs 10 ans. La micro-brasserie La Voie Maltée de Jonquière, qui les accueille depuis les débuts, permet cette rencontre de proximité entre le grand public et des scientifiques.

L’animateur poursuit la discussion avec le public. « Quelles sont les personnes dans la salle qui souffrent d’allergies? Quels sont ceux pour qui faire un lunch le matin est un vrai casse-tête? » Durant deux heures, le micro passe d’une main à l’autre. Les trois spécialistes dispersés dans la salle répondent aux questions du public et exposent les dernières percées scientifiques en matière d’allergie. On entend aussi certaines opinions divergentes quant à la santé publique. L’animateur doit parfois intervenir, lorsqu’un scientifique s’étire en longueur ou quand ses propos deviennent un peu trop savants. Bref, il doit ramener la discussion sur le plancher des vaches.

Inspirés des cafés philosophiques, ce sont des animateurs de la Société française de physique, qui en 1997 ont démarré les bars des sciences. Au même moment, des Britanniques ont crée les cafés scientifiques. Au Québec, c’est Raymond Lemieux, rédacteur en chef de la revue Québec Science, qui a tenté l’expérience en 1999. Depuis, Yannick Villedieu a animé plusieurs bars des sciences qui ont été rediffusés à l’émission Les Années lumière, à Radio-Canada. Au Saguenay, Marielle Brown, alors coordonnatrice du service des communications du Cégep de Jonquière, a initié les premiers bars des sciences dans la région en 2003. L’activité a tout de suite été un franc succès.

D’années en années, le Cégep de Jonquière continue à financer ces évènements. « En plus de mettre en valeur l’expertise des chercheurs de la région, les bars des sciences sont une formidable tribune pour échanger sur des sujets scientifiques qui nous interpellent », affirme France Tremblay, du service des communications au Cégep de Jonquière.

La recette gagnante d’un bon bar des sciences, c’est sa simplicité: un bar sympathique, un animateur, et des scientifiques qui aiment vulgariser. Le comité organisateur est entièrement bénévole et les scientifiques invités ne reçoivent aucun cachet, seulement de quoi rafraîchir à volonté leur gosier durant la soirée…

Au fil des ans, les quelque 25 bars tenus au Saguenay ont traité de toutes sortes de sujets, certains ayant fait l’objet de vigoureux débats : OGM, dessein intelligent, le nucléaire, le sommeil, les dons d’organes, les médecines alternatives, le tatouage, la chasse ou la chimie de l’amour. « Les thèmes qu’on aborde dans un bar des sciences ne sont pas les mêmes que ceux qu’on traite dans un magazine », confie Raymond Lemieux. « Je dirais même qu’interagir en direct avec un chercheur dans un bar des sciences est encore plus essentiel qu’avant. Les gens ne se déplacent pas seulement pour obtenir de l’information sur un sujet, puisqu’aujourd’hui, on a tout à portée de clavier. Par contre, le besoin de satisfaire sa curiosité, le côté humain de la rencontre avec le scientifique rend le bar des sciences unique en son genre ».

« La magie d’un bar des sciences, c’est son côté imprévu », souligne Jean-François Coulombe, animateur de La fin de semaine est à 7 heures à Radio-Canada, qui anime les bars des sciences depuis 2009. « On ne sait jamais à l’avance quelle sera l’assistance et comment la soirée va tourner, puisque ce sont les questions du public qui orientent la discussion ».

Le bar des sciences du Saguenay profite aussi aux jeunes. Lorsque le sujet s’y prête, les scientifiques invités participent en après-midi à un café scientifique à l’école secondaire Kénogami. La soirée à La Voie Maltée sert aussi de terrain d’exercice pour les finissants en Art et technologie des médias du Cégep de Jonquière. Ils y font leurs premières armes, tantôt en filmant des séquences du bar, tantôt en interviewant les invités et les participants. Plusieurs groupes approchent le comité bénévole pour des conseils, afin d’organiser un bar des sciences dans le cadre d’un évènement ou d’un colloque.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les bars des sciences ont de beaux jours devant eux!

Emmanuelle Bergeron est journaliste scientifique à Chicoutimi.

 

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