Quel avenir pour le Centre des sciences de Montréal?


Quel avenir pour le Centre des sciences de Montréal?

Le mardi 19 février 2013

Par Michel Groulx

Le Centre des sciences de Montréal (CSM) traverse une période d’incertitude. Une restructuration décidée par le gouvernement Harper va transférer sa gestion à une société immobilière. Elle va aussi entraîner le départ de sa dirigeante, la communicatrice scientifique Claude Benoit. Quelles en seront les conséquences?

Le 29 novembre dernier, les employés de la Société du Vieux-Port et du Centre des sciences de Montréal apprennent une nouvelle déconcertante. Le gouvernement fédéral s’apprête à dissoudre la Société du Vieux-Port (SVPM) – qui gère le CSM – pour en transférer la gestion à la Société immobilière du Canada (SIC), basée à Toronto. Rona Ambrose, Ministre des Travaux publics, déclare que cette restructuration majeure a pour but « d’amener de la bonne gouvernance et de la bonne gestion ».

Mi-janvier, retentit une autre nouvelle : Claude Benoit, qui a été à la barre du CSM depuis les débuts, devra quitter le navire à la fin février. En effet, son poste de PDG de la Société du Vieux-Port est aboli. Le CSM perd ainsi celle qui en a été la gestionnaire, la promotrice infatigable et la fondatrice visionnaire. Désormais, le grand patron sera le PDG de la SIC, Robert Howald.

CSM
Image : Colocho/Wikipedia Commons

Double choc

C’est un double choc pour celles et ceux qui, comme moi, ont participé à l’aventure du premier centre de sciences au Québec ou qui le font vivre au quotidien.

En effet, après plus de douze ans d’existence, le CSM est devenu une institution reconnue au Canada et dans le monde entier pour la qualité de ses expositions et activités, sa créativité et son audace. Avec quelque 10 millions de visiteurs à ce jour, nous pouvons nous enorgueillir d’animer le deuxième centre de sciences le plus fréquenté au Canada. Une douzaine de prix témoignent de la qualité de sa programmation. Ses expositions itinérantes sont louées à de nombreuses institutions, au Canada et en Europe, générant des revenus de plus en plus importants. Les deux dernières années ont été parmi les meilleures de l’histoire du CSM, fracassant les prévisions de revenus et d’achalandage.
On peut se demander pourquoi le gouvernement fédéral a voulu revoir en profondeur la gestion d’une institution qui a atteint sa pleine maturité et accumule les succès. Et pourquoi choisir la SIC, qui n’affiche aucune vocation culturelle ou éducative?

Spécialisée dans le développement immobilier, celle-ci « gère, réaménage et/ou vend des biens immobiliers stratégiques dont le gouvernement du Canada n’a plus besoin pour ses programmes (sic) ». Son mandat est de retourner ensuite les profits réalisés au gouvernement.

Or, comme l’immense majorité des parcs publics et des institutions muséales, le Vieux-Port et le CSM ne génèrent pas de profits nets. En effet, même si la Société du Vieux-Port s’autofinance à plus de 50%, elle « coûte » environ 15 millions de dollars annuellement, une facture qui devra désormais être gérée par la SIC.

Le Centre des sciences s’autofinance lui aussi à 50%, ce qui est déjà une excellente performance pour une institution muséale. Mais est-ce que cela sera suffisant aux yeux de son nouveau gestionnaire? Son objectif clairement affiché de profitabilité financière permet d’en douter, et laisse planer de l’incertitude sur la programmation et sur le sort de celles et ceux qui ont la responsabilité de la mettre en œuvre.

Volonté

Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour que le Québec se dote d’un centre des sciences vivant, crédible et incontournable, faisant le pont entre les milieux de la recherche, de l’éducation, de l’industrie et de la culture. Développé et animé par une équipe passionnée, il s’est ancré au paysage montréalais et québécois en tissant d’innombrables partenariats, une vision que Claude Benoit a défendue tout au long de son mandat. La relation avec ses collaborateurs et avec sa clientèle, dont le milieu scolaire, est devenue une histoire de cœur.

Le gouvernement fédéral n’a peut-être « plus besoin pour ses programmes » du Centre des sciences. Mais il serait déplorable, pour le Québec, qu’il ne puisse conserver son intégrité et continuer de s’épanouir.

Michel Groulx est chef Recherche et contenu au Centre des sciences de Montréal.

 

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