Le projet Avativut


Le projet Avativut

Le mardi 19 février 2013

Quand chercheurs et jeunes Inuits s’allient pour mieux comprendre le Grand Nord.

Par Alexandre Guertin-Pasquier

Quoi de mieux pour lutter contre le décrochage scolaire, susciter des carrières scientifiques et rendre la science accessible aux communautés inuites que de les impliquer directement dans les recherches faites dans leur région par les universités du sud? C’est le défi que s’est lancé l’équipe d’Esther Lévesque de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), en collaboration avec la Commission scolaire Kativik, située au Nunavik. Le projet Avativut est ainsi né dans la foulée de l’Année polaire internationale en 2007-2008 dans le but d’intégrer le savoir traditionnel et le suivi environnemental dans les cours de sciences et technologies au secondaire.

Nunavik

Projet pilote en 2009, Avativut permet maintenant à plus d’une centaine de jeunes de 15 à 18 ans provenant de l’ensemble des communautés inuites du Québec d’étudier eux-mêmes les impacts des changements climatiques sur la production des petits fruits dans leur région. Pourquoi les petits fruits? Qui dit changements de climat dit aussi changements de végétation! Les fruits utilisés traditionnellement par les Inuits depuis des siècles seront touchés; ils ne pousseront plus nécessairement en mêmes endroits, ni en même quantité.

Une formation enrichissante

Encadrés par les chercheurs de l’UQTR, les élèves inuits sont ainsi appelés à récolter de véritables données sur le terrain tout en suivant un protocole reconnu par le milieu scientifique. En laboratoire, ils analysent ensuite leurs échantillons avant de transmettre leurs résultats aux chercheurs via le site Internet du projet (www.cen.ulaval.ca/Avativut). Une immersion concrète, mais également la mise en place d’un véritable réseau de jeunes scientifiques inuits! «Ce réseau est un atout inestimable pour la récolte de données. Grâce à lui, il est possible d’étudier simultanément un nombre de sites inconcevables pour les chercheurs du sud, tout en impliquant directement les populations locales dans des problématiques qui affectent leur vie quotidienne», explique fièrement Émilie Hébert-Houle, étudiante de maîtrise associée au projet.

Ce n’est pas tout! Ces jeunes Inuits participent aussi à l’effort des chercheurs en questionnant leurs parents et grands-parents sur la production et le cycle de croissance passés des petits fruits, rendant ainsi compte de précieux témoignages. Ceci a également comme effet d’étendre les liens entre les chercheurs et les communautés du Nord: grâce à ce programme, c’est toute la population qui s’implique! «Le savoir traditionnel des aînés, combiné aux résultats colligés par les jeunes, permet non seulement une analyse plus fine, mais aussi de reculer beaucoup plus loin dans le temps», explique José Gérin-Lajoie, professionnelle de recherche de l’UQTR et partenaire de Mme Lévesque.

Du succès malgré les embûches

Le grand succès du projet Avativut est toutefois le fruit d’efforts considérables. Selon Ghislain Samson, professeur en didactique à l’UQTR affilié à Avativut, la traduction des documents et les coûts associés aux déplacements posent en effet des limites importantes. «Pour répondre à ces difficultés, nous avons instauré un forum de discussion à même le site du projet afin d’impliquer la population locale sur une base quotidienne et la rendre le plus autonome possible.»

La réponse très enthousiaste des Inuits au projet Avativut fera bientôt des petits. Un programme de suivi du couvert de glace sera en effet intégré au cursus scolaire à partir de l’année 2013-2014, ce qui permettra aux populations locales de mieux comprendre l’impact des changements climatiques sur leur environnement immédiat. Dans cette optique, un programme de suivi de la fonte du pergélisol est également prévu à moyen terme, ce qui permettra de mieux planifier l’aménagement de leurs infrastructures, grandement affectées par les mouvements du sol durant l’été. Reste à savoir si ces projets innovateurs verront naître d’ici quelques années de jeunes chercheurs… ou de jeunes journalistes scientifiques!

Alexandre Guertin-Pasquier est étudiant au certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Il est également chargé de cours au département de géographie de cette même université, là où il a complété une maîtrise en paléoécologie en juin 2012. Il est aussi vice-président du Musée de paléontologie et de l’évolution à Montréal.

 

> Retour à la liste des nouvelles