Des enseignants qui font jouer pour apprendre


Des enseignants qui font jouer pour apprendre

Le mercredi 15 mars 2017

Par Valérie Levée

On dit des jeux sérieux qu’ils permettent d’apprendre en jouant. Introduisons une petite nuance en considérant qu’ils permettent de jouer pour apprendre. Des enseignants explorent cette possibilité avec les jeux sérieux de la plateforme Science en jeu de CREO et livrent leur expérience. Steve Desfossés utilise Mécanika pour enseigner la physique en secondaire 5 et Judith Cajelais utilise Livré par navire et Mission orientation en 5è année du primaire.

Comment ces jeux s’intègrent-ils au programme scolaire?

Judith Cajelais : Le jeu Livré par navire permet aux élèves de pratiquer des notions de mathématique. Mission orientation permet de travailler les notions d’éthique du cours ECR telles que l’identification des valeurs et les intérêts permettant aux élèves de construire leur identité. 

Steve Desfossés
 : Le but pédagogique de Mécanika est de faire réfléchir les joueurs sur la façon dont les forces influencent le mouvement des objets sur Terre ou dans l'espace.

Comment utilisez-vous le jeu? Les élèves jouent-ils seuls, en groupe, en classe, en devoir à la maison?

JC : Science en jeu se prête à différents styles d’enseignement : en enrichissement quand tous les travaux demandés sont faits, en devoirs, en atelier etc… Science en jeu peut donc être vu d’une façon exploratoire ou être utilisé de façon plus encadrée pour consolider une notion. Pour ma part, utilisant une gestion de classe participative, je m’adapte selon les intérêts tout en respectant les attentes du programme. Dans tous les cas, il y aura une utilisation en classe et à la maison. J’aime que les parents puissent observer la motivation et l’engagement à apprendre que procure le jeu chez leur enfant.

SD : Les élèves jouent seuls. Ils ont chacun un compte de jeu. Toutefois, l'entraide est présente.

Livré par navire
Jeu Livré par navire de CRÉO


Est-ce que vous préparez les élèves au jeu en leur donnant des directives, des explications théoriques préliminaires...?

JC : En début d’année lors de la première utilisation je les guide pour leur inscription et choix d’avatar mais je les laisse explorer ensuite à leur rythme et selon leur intérêt. Ensuite, durant l’année, je leur donne des conseils et on fait un retour sur nos découvertes.

SD : Le premier document de travail contient le contexte de jeu, et toutes les informations permettant de créer un compte sur Science en jeu et d'accéder à Mécanika sur l'île Physika. Je guide les élèves à ce moment en leur donnant les explications nécessaires à leur réussite et à la compréhension du jeu. 

Et après le jeu, faites-vous un retour sur leur expérience de jeu et d’apprentissage?

JC : Oui, je fais plusieurs retours sur nos explorations dans le but de valider ce qui les motive ou les décourage dans leur exploration et susciter la collaboration des pairs aidants. C’est aussi une façon de recoller le jeu aux apprentissages.

SD : Huit à 10 périodes de 65 minutes sont consacrées au jeu. Une période sur deux sert à du temps de jeu, alors que l'autre période sert à faire un retour sur le jeu et à corriger des documents de travail. Nous analysons différents phénomènes liés à la physique.  C'est à ce moment que la consolidation des connaissances se fait.   

Comment le jeu aide-t-il les élèves à comprendre la matière?

JC : Le jeu permet aux élèves de consolider la matière ou encore de l’explorer. Chose certaine, cela développe une motivation ascendante favorisant l’engagement de chacun. Un engagement qui amène un désir de se questionner et de pousser plus loin leurs connaissances.

SD : La plus grande force du jeu est de permettre aux élèves d'analyser le mouvement dans une situation sans frottement ni gravité, une telle situation ne pouvant se vivre dans la vie courante. À 15 ans, les connaissances des élèves en physique mécanique proviennent de leur expérience de vie. Ils ont été témoins de phénomènes dans un contexte de gravité et de frottement et se sont forgés des explications intuitives très souvent erronées. Le jeu permet donc de déconstruire certaines de ces conceptions.   

Avez-vous des problèmes pour maintenir la discipline?

JC : Non, l’utilisation du jeu favorise l’engagement des élèves et lorsque ceux-ci sont ainsi impliqués, la discipline n’est plus un aspect problématique. Mais c’est certain qu’il faut être prêt à les entendre échanger.

SD : Il n'y a pas vraiment de problèmes de discipline, les élèves sont absorbés par le jeu et veulent réussir les niveaux. 

Est-ce que les jeux bénéficient autant aux filles qu’aux garçons?

JC : C’est certain qu’au départ la réaction des garçons est instantanée, le jeu les stimule. Chez les filles, la réaction est tout aussi positive mais apparaît différemment. Elles ont souvent un plus grand besoin de valider leur exploration mais en retirent tout autant de plaisir et y gagnent ainsi beaucoup en confiance.

SD : Oui, les filles y trouvent leur compte. Le contexte du jeu leur convient autant qu’aux garçons.  Les « gamers», principalement des garçons, ne sont pas avantagés et les profanes des jeux vidéo ne sont pas désavantagés.

Quels conseils donneriez-vous à des enseignants qui voudraient utiliser ces jeux?

JC : Je leur dirais de ne pas chercher à tout savoir ni à tout comprendre du jeu avant de le présenter à leurs élèves puisque le potentiel du jeu est exponentiel. Je leur propose plutôt de l’introduire à leur rythme en classe, d’observer leurs élèves lorsqu’ils jouent et d’y jouer eux-mêmes par plaisir afin de se l’approprier.

SD : Lancez-vous dans l'aventure Mécanika, ne serait-ce que pour changer le rythme de votre cours en permettant à vos élèves de jouer à un jeu vidéo.  Si vous n'avez pas ou peu d'ordinateurs dans votre école, vous pourriez facilement le faire en classe inversée en demandant à vos élèves de jouer à la maison et de faire le retour sur les documents de travail en classe.

Après un doctorat en biologie et 10 ans de recherche en biologie moléculaire des plantes, Valérie Levée a troqué les pipettes pour la plume. Depuis 10 ans, elle est maintenant journaliste scientifique indépendante et écrit, entre autres, dans Quatre-Temps, Formes, Québec-Oiseaux, Plan…et remplit d’autres tâches connexes en communication scientifique.

 

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