Science et confiance


Le mercredi 11 janvier 2017

Par Valérie Levée

Prenez un communiqué de presse d’un centre de recherche, l’infolettre d’un organisme à but non lucratif œuvrant dans un domaine scientifique, le blogue d’un chercheur, l’article d’un journaliste scientifique, une activité publique à caractère scientifique déployée par un ministère…Vous y trouverez à chaque fois une certaine information scientifique. Mais quelle confiance y accorder ? La crédibilité du message dépend de la crédibilité du messager, qui elle-même dépend de ses intérêts, écrivent Peter Weingart1 et Lars Guenther2 dans un article intitulé Science communication and the issue of trust, paru cet automne dans la revue Journal of science communication.

Les auteurs dressent un bref portrait de quelques-uns de ces multiples relais de la communication scientifique, de leurs intérêts potentiels respectifs et donc de leur crédibilité.

Prenons d’abord les gouvernements. Ne nous y trompons pas, derrière la composante éducative d’un projet de communication se cache une motivation politique. Si dans les années 1960, la NASA a largement divulgué ses activités, c’était pour attirer les têtes chercheuses et développer le programme Apollo, mais aussi pour rivaliser avec l’Union Soviétique.

Quant aux services de communication des universités, en vantant les réalisations des chercheurs, ils font avant tout la promotion de leur institution. Ils contrôlent parfois entièrement l’information comme si les scientifiques n’étaient pas capables de parler de leurs recherches ou que le public n’était réceptif qu’au seul format de communication délivré par les professionnels des relations publiques.

Les scientifiques, eux, bénéficient a priori d’une plus grande confiance de la part du public que les politiciens et les industriels. Certains court-circuitent aisément le service des communications pour prendre le micro ou la plume. Mais lorsqu’ils deviennent des figures médiatiques, comment savoir s’ils agissent uniquement comme relayeur de la science ou pour s’auto-promouvoir ? La distinction devient encore plus difficile quand la parole d’un scientifique entre dans les rouages des algorithmes des réseaux sociaux. 

Enfin, les journalistes sont indépendants des intérêts industriels ou politiques et exercent un rôle de chiens de garde qui leur confère une certaine crédibilité. Mais la pression du contexte médiatique peut les pousser à reprendre des communiqués de presse sans les analyser ou à verser dans le sensationnalisme. Leur crédibilité est elle aussi en danger.

Quant aux blogueurs, qu’ils soient scientifiques, journalistes ou de simples quidams, ils ont la crédibilité toute relative que leur accorde la bulle internet dans laquelle ils évoluent. 

Peter Weingart et Lars Guenther mettent d’ailleurs en garde contre les réseaux sociaux. Certes, ils ont le potentiel de mettre le savoir à portée de clic et d’ouvrir le dialogue entre les acteurs de la science et le public. Mais l’attrait de technologie éclipse la question de la crédibilité. Or les mécanismes de révision des contenus et de contrôle sont déficients sur les réseaux sociaux et le format permet difficilement de remonter à la source de l’information et à l’identité du premier messager. Comment alors avoir confiance si on ne sait pas d’où émane l’information et qui la colporte?

 Cet article a suscité des réflexions, parues ultérieurement dans la même revue sous formes de réponses à Peter Weingart et Lars Guenther. Jane Gregory3 estime ainsi que la neutralité de la science est un mythe et que dans un contexte où l’économie repose sur l’innovation scientifique, il ne faut pas s’étonner que la communication scientifique frôle les relations publiques. Alan Irwin4 et Maja Horst5 proposent eux aussi d’élargir la discussion en partant de la prémisse que la science n’est pas neutre.

1 - Peter Weingart est professeur émérite en sociologie, sociologie des sciences et études de politique scientifique à l’Université de Bielefeld en Allemagne.
2 - Lars Guenther est chercheur post-doctoral à la Chaire de recherche en communication scientifique à l’Université Stellenbosch, en Afrique du Sud.
3- Jane Gregory travaille comme chercheuse en communication scientifique à l’Université de Manchester.
4- Alan Irwin est professeur à la Business School de Copenhague.
5- Maja Horst est professeure au Département des médias, de la cognition et de communication à l’Université de Copenhague.

 

Après un doctorat en biologie et 10 ans de recherche en biologie moléculaire des plantes, Valérie Levée a troqué les pipettes pour la plume. Depuis 10 ans, elle est maintenant journaliste scientifique indépendante et écrit, entre autres, dans Quatre-Temps, Formes, Québec-Oiseaux, Plan…et remplit d’autres tâches connexes en communication scientifique.

 

 

> Retour à la liste des nouvelles