Halte aux rumeurs!


Halte aux rumeurs!

Le lundi 25 juillet 2016

par Valérie Levée

Pseudoscience, ennemie numéro un des communicateurs scientifiques. Pour mieux cerner et appréhender cette ennemie, l’ACS avait organisé pour son congrès annuel en mai dernier un atelier intitulé Comment les rumeurs envahissent-elles l’espace public? Dany Plouffe, chercheur à l’Université McGill et auteur du blogue LeSceptique.ca, animait la discussion avec les panélistes Jeff Yates, journaliste au journal Métro et auteur du blogue Inspecteur viral, et Ana Marin, anthropologue et éthicienne à l’université de Sherbrooke et au CISSS de Chaudière-Appalaches. 

Un premier constat s’impose : internet est une machine à rumeurs. « N’importe qui peut se partir un blogue et les gens ne regardent pas qui est derrière », observe Jeff Yates. Sans compter que les algorithmes des moteurs de recherche ou de Facebook pointent vers des informations compatibles avec notre profil, mais pas forcément fiables pour autant. « Sur Facebook, on peut se créer une bulle avec des gens qui ont les mêmes croyances que nous, où tout ce qu’on voit va dans le même sens », poursuit Jeff Yates. Sur Internet, les deux univers de la science et de l’antiscience fonctionnent donc en parallèle avec leurs internautes respectifs. Ces deux univers prétendent avoir raison et vouloir informer la population en faisant appel à des experts et en sélectionnant les informations. Comme le fait remarquer Dany Plouffe, « il est toujours possible de trouver un scientifique dans un sens ou dans l’autre ».

Alors pourquoi entrer dans un univers plutôt qu’un autre? « Les gens prennent ce qui fait sens pour eux », répond Ana Marin. Ils vont donc entrer dans la sphère qui est conforme à leurs idées. « Les gens ne veulent pas entendre parler de preuves qui ne vont pas dans leur sens. Ils utilisent la raison quand ça fait leur affaire et ignorent le consensus scientifique », reprend Jeff Yates. Or, comme le fait remarquer Ana Marin, la science, avec toutes ses études contradictoires, n’apparait pas comme quelque chose de sérieux. Où voir un consensus dans la contradiction? Après tout, quand on n’est pas expert, le consensus scientifique, il faut y croire!

Le deuxième constat soulevé par Dany Plouffe, c’est qu’une fois établie, une fausse croyance est difficile à démonter. Les partisans de l’antiscience sont beaucoup plus actifs et présents sur Internet que ceux qui la combattent. Une recherche sur Internet avec des mots comme homéopathie ou astrologie amènera immanquablement vers des sites en faveur de ces pseudosciences et non en opposition. « Les fausses croyances sont davantage propagées et leur impact est plus important », observe Dany Plouffe. De plus, à cause de l’effet bulle, les arguments des redresseurs de fausses croyances n’atteindront pas ceux qui versent dans les pseudosciences. « Si on dément une pseudoscience, on prêche aux convertis », poursuit Dany Plouffe.

Alors que faire? Dany Plouffe suggère de ne pas s’évertuer à argumenter contre les pseudosciences en démêlant le vrai du faux, mais plutôt d’expliquer comment se construisent les connaissances scientifiques. « Les journalistes doivent dire comment fonctionne la science, approuve Ana Marin, en rappelant que les connaissances évoluent et que la science est un ensemble de connaissances dans un contexte donné, à un moment donné. » Elle lance aussi une autre piste de solution passant par une meilleure compréhension de l’antiscience. « La croyance, c’est un sujet d’étude en anthropologie. On a longtemps étudié la croyance des autres. En santé publique, l’anthropologie étudie la croyance anti-vaccin et il faut comprendre ce qu’il y en arrière pour la combattre ». Dans la salle, Carine Monat, qui anime l’émission L’œuf ou la poule à la radio CHOQ, propose également de comprendre les réticences des gens qui réfutent ou nient la science, de comprendre leurs craintes vis-à-vis des sciences pour pouvoir les atténuer. Sans oublier de parler en respectant les gens et sans condescendance. Isabelle Burgun, journaliste à l’Agence Science-presse, rappelle toutefois que les médias doivent veiller à ne pas accorder autant de place à la science qu’à l’antiscience parce que cela ne reflète pas la position scientifique.

 

Après un doctorat en biologie et 10 ans de recherche en biologie moléculaire des plantes, Valérie Levée a troqué les pipettes pour la plume. Elle est maintenant journaliste scientifique indépendante et écrit, entre autres, dans Quatre-Temps, Formes, Québec-Oiseaux, Plan…et remplit d’autres tâches connexes en communication scientifique.

 

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