Nanotechnologies : l’invisible révolution. Une exposition scientifique en quatre défis


Nanotechnologies : l’invisible révolution. Une exposition scientifique en quatre défis

Le lundi 4 avril 2016

Par Valérie Levée

Le Musée de la civilisation à Québec a inauguré son exposition le 8 mars dernier. Rémi Quirion, le scientifique en chef du gouvernement du Québec, était là pour prendre la parole et souligner l’importance d’une exposition sur les nanotechnologies dans un musée. Il a ensuite passé le micro à Benoit Balmana, le président-directeur général de Prima Québec, dont la mission est de consolider les innovations sur les matériaux avancés comme les nanomatériaux. 

Mais Prima Québec est aussi partenaire du musée pour cette exposition. Surgit alors un premier défi: alors que les nanotechnologies sont sujettes à controverse dans la population, le musée doit garder son indépendance et ne pas se faire dicter le contenu par son partenaire principal. « On a eu une entente cadre, on s’est entendu sur le fait qu’on avait le dernier mot sur le contenu, indique Anouk Gingras, chargée de projet au musée et responsable de cette exposition. On a besoin de plus en plus de partenaires pour développer des expositions mais il faut garder notre indépendance, notre objectivité par rapport au contenu. Sinon, on risque de perdre notre crédibilité ». C’est aussi pour cette raison que le Musée a sollicité la journaliste scientifique Valérie Borde. « Valérie a ce recul éthique et social sur la science », ajoute Anouk Gingras. Elle est d’ailleurs membre de la Commission de l’éthique en science et en technologie qui a étudié les enjeux éthiques des nanotechnologies.

Crédit: Jessy Bernier, Icône

Dans son allocution, Benoit Balmana a bien souligné que les nanotechnologies ne sont pas une seule et même discipline scientifique. Il s’agit plutôt d’exploiter les propriétés de la matière à l’échelle nanoscopique dans une kyrielle d’applications scientifiques et technologiques allant de la santé aux télécommunications en passant par … les verres de nos lunettes!

Deuxième défi : comment exposer un sujet aussi éclaté? C’est un autre journaliste scientifique, Joël Leblanc, qui a sans le vouloir offert une solution. Le musée lui avait demandé de faire une synthèse sur les enjeux sociaux des nanotechnologies et son rapport finissait par une interrogation : « Alors oui ou non aux nanotechnologies? ». De là est venue l’idée de construire un parcours de réflexion entre le oui et le non. Après une brève introduction, le visiteur doit choisir le sens de son parcours : à droite s’il a un a priori positif sur les nanotechnologies, à gauche dans le cas contraire. En partant par la droite, des applications positives des nanotechnologies le conforteront dans son idée mais au fur et à mesure qu’il cheminera, il sera confronté à des questionnements sur les risques potentiels, jusqu’à parvenir aux éventuelles applications délétères des nanotechnologies. Le visiteur qui entre par le côté « non » fait le chemin inverse. Dans les deux cas, les visiteurs sont amenés à remettre en question leurs a priori. 

Se présentait alors un troisième défi : comment mesurer l’effet de l’exposition sur le questionnement des visiteurs? Réponse : avec un canard! Les visiteurs font le parcours avec un canard en plastique qui enregistre les réponses données à sept bornes interactives qui ponctuent le parcours. Les visiteurs doivent par exemple se prononcer sur l’intégration de nanoparticules dans l’organisme pour améliorer les capacités physiques. Ils ont quatre choix de réponse allant du « oui certainement » au « non catégorique » en passant par des « oui mais ». En fin de parcours, le canard compile les réponses et indique si le visiteur est resté sur sa première idée ou si l’exposition a fait fléchir sa conviction initiale. Le but ultime de l’exposition n’est donc pas de répondre oui ou non aux nanotechnologies, mais bien d’inviter à se questionner et ultérieurement à s’informer. « Est-ce que par le biais d’une exposition, on a réussi à modifier l’envie de s’informer? », interroge Anouk Gingras. 

Crédit: Jessy Bernier, Icône

Mais en plus de faire réfléchir les visiteurs, une exposition doit montrer des artefacts, des objets. Quatrième défi : comment montrer l’invisible? Le musée a eu l’idée de présenter l’outil qui a permis de se rendre à l’échelle nanoscopique : une collection de microscopes, de l’ancêtre qui grossit 50 fois au microscope à force atomique qui grossit 2 millions de fois. À travers ces microscopes, le visiteur fait une plongée de plus en plus profonde dans une plume d’oiseau. Et si nous ne pouvons pas voir de nos yeux les nanoparticules, nous pouvons voir des objets ou des applications qui en intègrent : des nano-robots médicaux, des téléphones cellulaires, des équipements sportifs en fibres de carbone, mais aussi des ailes de papillons, des geckos qui grimpent sur la paroi d’un terrarium... Et même des antiquités comme ce sabre de Damas connu pour son extrême résistance et dont les analyses modernes ont révélé qu’il contenait des fibres de carbone! Sans oublier les vitraux, flagrantes démonstrations du changement de propriétés de la matière à l’échelle nanoscopique, puisque ce sont des nanoparticules d’or qui leur donnent une couleur rouge.

C’est sur ce parcours reliant 110 objets que le visiteur est amené à faire cheminer sa pensée sur les avantages et les risques des nanotechnologies

 Après un doctorat en biologie et 10 ans de recherche en biologie moléculaire des plantes, Valérie Levée a troqué les pipettes pour la plume. Elle est maintenant journaliste scientifique indépendante et écrit, entre autres, dans Quatre-Temps, Formes, Québec-Oiseaux, Plan…et autres tâches connexes de la communication scientifique.

 

 

 

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