Mot du président


Le jeudi 28 octobre 2021

Joël Leblanc est devenu président de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS) le 28 septembre dernier.

Salutations,

L’histoire se passe en 2003. J'entends parler de mouvement anti-vaccin organisé pour la première fois. En pleine campagne vaccinale contre la polio, chez des peuplades reculées du Nigéria, des leaders religieux, convaincus que le vaccin stérilise les filles et propage le sida, entraînent leurs fidèles dans un boycott. Les efforts pour éradiquer la maladie, alors qu'on est si près d'y parvenir, sont carrément contrecarrés et le Nigéria devient en seulement quelques années le principal « fournisseur » mondial de polio. Je suis alors bien naïf : je me souviens de ma surprise d'apprendre que des gens pouvaient refuser d'être protégés contre une maladie mortelle. « Ce qu'ils peuvent être crédules... » Mais du haut de mes préjugés, je me suis cantonné dans l'assurance que tout cela était bien loin, que ces gens manquaient d'éducation, que jamais on ne verrait une telle chose dans mon Occident. Ça ne pouvait être qu'une exception, une anecdote...

Vous connaissez la suite... Depuis le milieu des années 2010, à cause de déficits vaccinaux, les éclosions de rougeole ne sont pas rares en Europe et en Amérique. Ici-même, la pandémie actuelle a révélé l'existence d'antivax bien de chez nous, et ceux-ci s'exhibent fièrement au grand jour, manifestent en pleine rue, convaincus d'avoir raison. Les crédules, ils sont ici aussi.

Et tout cela n'est, à mon avis, qu'une des facettes d'un mouvement grandissant de résistance à la science : négation des changements climatiques, rejet sans nuances des OGM ou du nucléaire, engouement pour des médecines alternatives n'ayant pas fait leurs preuves... Formé en biologie et en paléontologie, amoureux de la science et de sa méthode, j'avoue qu'il m'est bien difficile de comprendre (et d'accepter, je l'admets) que des gens puissent tasser sans vergogne le travail acharné, méticuleux, rigoureux de milliers de chercheurs sur plusieurs générations, pour adhérer aux postulats de gourous, de charlatans, de nigauds... Et je reste stupéfait, sidéré, lorsque ces « résistants » vont jusqu'à menacer les porteurs du drapeau de la raison et des données probantes que sont les scientifiques et les communicateurs scientifiques.

J'en ai fait mon combat. Il y a plus de 20 ans que je pratique ce métier. Il y a plus de 20 ans que j'explore les stratégies qui permettraient de percer les bulles des anti-science, de leur faire baisser leur garde et devenir réceptifs aux messages. J'ai lu beaucoup sur le sujet et je continue de le faire, j'expérimente des choses, j'essaie différentes façons d'interagir avec eux, dans l'espoir d'obtenir leur écoute. C'est mon Graal à moi. Depuis 20 ans, je travaille en solo, là-dessus. Avec ce nouveau rôle de président de l'ACS, je vais continuer ma croisade à l'échelle de la communauté. Chers membres, chères et chers comparses, je veux que l'ACS vous permette à tous de gagner en force, d'apprendre à déjouer encore mieux ces écueils et à faire du Québec une terre un peu mieux cultivée scientifiquement. Votre association devrait vous permettre de devenir de meilleurs communicateurs et communicatrices scientifiques et c'est à cela que je compte m'atteler. Ce sera mon crédo. Parce que c'est uber-important. L'actuelle pandémie l'a grandement démontré. Dans les prochaines années, tout cela se jouera dans les écoles, dans vos salles de rédaction, dans vos institutions, derrière vos caméras, vos tables à dessins, vos ordis à la maison...

J'ai confiance en vous. Merci d'avoir confiance en moi.

Joël Leblanc,
Nouveau président de l’ACS

 

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