Mon mémoire de maîtrise en BD


Mon mémoire de maîtrise en BD

Le mercredi 25 novembre 2015

Par Emmanuelle Bergeron

Comment donner une deuxième vie à un projet de maîtrise en sciences? Martin Patenaude-Monette s’est lancé le défi de transposer en bande dessinée son mémoire sur l’alimentation du goéland à bec cerclé. Ultime tentative pour éviter le « tablettage », triste sort hélas réservé à de nombreux travaux de recherche universitaires.

Martin PM, de son nom de bédéiste, dessine depuis qu’il est tout petit. Lorsqu’il est au cégep, il découvre l’univers de la bande dessinée québécoise avec Jimmy Beaulieu, Philippe Girard et plusieurs autres. Durant ses études en biologie à Sherbrooke, puis parallèlement à son projet de maîtrise à l’Université du Québec à Montréal, il participe à des collectifs de bande dessinée, il procède à l’autoédition de quelques livres et crée un blogue. C’est tout naturellement qu’en 2014 il a l’idée de créer une bande dessinée à partir de son projet de recherche sur les habitats d’alimentation du goéland à bec cerclé du sud du Québec. L’introduction du projet est en ligne, Martin achève l’illustration du premier chapitre du mémoire.

 « La bande dessinée est un merveilleux outil pour la vulgarisation, souligne Martin PM. Le dessin offre beaucoup de libertés pour faire des parallèles ou ajouter une touche d’humour à des concepts parfois ardus à expliquer. Par exemple, lorsque j’aborde le comportement d’alimentation du goéland, il est facile de faire une analogie humoristique avec les habitudes humaines à l’épicerie. Une comparaison que je n’aurais pas pu faire dans une publication scientifique! »

Le biologiste-bédéiste admet que vulgariser des concepts scientifiques en BD représente un défi. « Les gens deviennent de plus en plus paresseux pour lire de longs textes », remarque Martin. Avec la BD, en quelques planches, cinq minutes de lecture suffisent pour exposer un concept et donner envie au lecteur d’aller fouiller l’information complète. « Mais pour y arriver, il faut choisir quels aspects vulgariser, sans trop les simplifier. Pour attirer le lecteur, il faut maintenir un bon équilibre entre le texte et l’image, tout en gardant un bon fil narratif le long du récit ».

Martin se sent malgré tout un peu imposteur dans le monde des artistes de la bande dessinée. « Je me considère avant tout comme un scientifique, par ma formation. Je ne me concentre pas sur l’esthétisme de mes dessins autant qu’un artiste pourrait le faire, avoue Martin. Je recherche avant tout à transmettre une information, de façon concise et efficace. Et l’avantage avec la BD, c’est que ce médium nécessite très peu de moyens, à l’inverse de la télévision ou d’une production vidéo ».

S’il aime avant tout la vulgarisation scientifique, il partage aussi sur son blogue ses réflexions sur des enjeux sociopolitiques. Durant la dernière campagne électorale, il a produit presque une caricature par jour pour relater et dénoncer les aléas des politiciens. Selon Martin PM, le dessin est un médium puissant pour passer des messages.

Il a poussé l’audace jusqu’à publier un article sur la problématique du caribou forestier dans le nord du Québec, pour le numéro d’octobre 2015 de PLANCHES, une revue de bande dessinée d’auteurs québécois. « J’aime l’idée d’aborder un sujet scientifique pour des lecteurs qui d’emblée ne s’intéresseraient pas nécessairement à la science », ajoute Martin. Cet article a un fond scientifique, puisqu’il traite de la gestion du caribou forestier, mais c’est aussi un enjeu politique. Le texte critique les choix du gouvernement Couillard pour favoriser le développement économique dans le Grand Nord québécois, au détriment de la conservation du caribou forestier. Au passage, Martin y explique, à l’aide de dessins colorés et humoristiques, plusieurs concepts scientifiques comme les différents écotypes de caribous du Québec et les méthodes employées pour faire l’inventaire des populations de caribous.  

Martin Patenaude-Monette a de nombreux projets en cours. Dans la liste de ses réalisations, on note : des illustrations pour le magazine Curium et une affiche pour le Conseil régional de Laval sur l’agrile du frêne.

La bande dessinée a sans doute un avenir prometteur en communication scientifique. L’initiative de Martin PM inspirera peut-être d’autres étudiants-chercheurs à diversifier les médiums pour faire connaître leurs travaux scientifiques. À preuve, l’édition 2016 du concours de vulgarisation scientifique de l’ACFAS accepte maintenant d’autres formats que le texte simple, soit l’audio, la vidéo et à la BD!

 

Le site de Martin PM : http://www.martinpm.info/
La revue PLANCHES : http://revueplanches.com/

Emmanuelle Bergeron est journaliste scientifique à Chicoutimi. Elle écrit pour le Web ainsi que pour la presse et a collaboré à trois expositions au Musée du Fjord. Elle a aussi publié trois livres : des biographies romancées pour les jeunes. 

 

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