Retour sur la Conférence mondiale des journalistes scientifiques


Retour sur la Conférence mondiale des journalistes scientifiques

Le lundi 27 juillet 2015

Par Dominique Forget

Plus de 1 000 journalistes et communicateurs scientifiques se sont réunis à Séoul, du 8 au 12 juin dernier.

C’est en pleine crise sanitaire, provoquée par l’épidémie du coronavirus MERS (Middle East Respiratory Syndrome ou syndrome respiratoire du Moyen-Orient) que s’est amorcée la 9e édition de la Conférence mondiale des journalistes scientifique (CMJS), qui avait lieu cette année à Séoul, du 8 au 12 juin. Avant de partir, j’avais lu plusieurs articles inquiétants à propos de l’épidémie — des congrès étaient annulés, les écoles de la Corée du Sud, fermées. On s’attendait à ce que l’épidémie plombe l’économie de la Corée du Sud de plusieurs milliards de dollars.

Dès mon arrivée à Séoul, plusieurs signes de peur étaient visibles. Agents des douanes portant des masques respiratoires, bouteilles de désinfectants pour les mains proposées dans tous les lieux publics, etc. Quelques participants à la CMJS avaient annulé leur voyage, leurs institutions ayant refusé qu’ils voyagent en zone épidémique.

Et pourtant. Dès le premier jour, les journalistes scientifiques réunis au congrès ont pu assister à une conférence de presse organisée par quelques experts coréens en santé publique. Tous les cas de MERS, a-t-on appris, avaient été contractés dans les hôpitaux, car seules les personnes très malades avaient une charge virale assez élevée pour transmettre le virus. Dans les restaurants, le métro ou les autres lieux publics, les risques de transmission étaient pratiquement nuls. Alors, pourquoi un tel tollé?

La question a fait réfléchir les journalistes scientifiques et illustré, une fois de plus, le rôle critique qu’ils doivent jouer dans la société, car lorsqu’une information scientifique ou une information de santé est mal rapportée dans les médias, elle peut engendrer la peur, voire une panique qui n’a pas lieu d’être.

Cet épisode du MERS — et plus précisément l’écart entre la réalité du terrain et les nouvelles rapportées dans les médias — a donné le ton à la conférence. Pendant quatre jours, les journalistes scientifiques venus des quatre coins du monde se sont interrogés sur les moyens à mettre en place pour assurer plus de rigueur dans leur métier.

     La Conférence en bref

  • Organisée par la Fédération mondiale des journalistes scientifiques, la Conférence mondiale des journalistes scientifiques se tient tous les deux ans.
  • Cinq journalistes scientifiques du Québec ont assisté à l’édition de Séoul : Valérie Borde, Marie-Pier Élie, Dominique Forget, Véronique Morin et André Picard.
  • La prochaine édition de la Conférence se tiendra à San Francisco, en 2017.

 

 

À l’occasion de plusieurs sessions organisées, il a été question de récents cas de fraudes scientifiques : l’affaire Michael LaCour, notamment. Cet étudiant en sciences politiques à l’Université de la Californie à Los Angeles a publié, sous la direction du professeur Donald Green, un politologue renommé de l’Université Columbia à New York, des résultats falsifiés dans la prestigieuse revue américaine Science sur le mariage homosexuel. Le pot aux roses a été découvert. Le professeur Donald Green, qui avait soi-disant supervisé l’étudiant, a demandé que l’étude soit rétractée et s’est platement excusé... Il n’avait pas lu l’étude du jeune étudiant sur laquelle il avait pourtant apposé son nom. Le professeur Green poursuit aujourd’hui sa carrière à l’Université Columbia, peu dérangé par cet écart de conduite. « S’il s’était agi d’un politicien et que des journalistes politiques s’étaient attaqués à cette affaire, il n’en serait pas sorti indemne », a affirmé Ivan Oransky qui a été l’un des premiers à éventer cette affaire sur son blogue Retraction Watch, et participant au Congrès à Séoul.

Dans l’histoire du MERS comme dans celle de la fraude commise par Michael LaCour, la même question se pose : les journalistes scientifiques sont-ils trop complaisants? Se contentent-ils de colporter les nouvelles de découvertes ou de percées? De reprendre les informations qui leur sont livrées par les relationnistes des universités et des revues scientifiques? Ou exercent-ils ce rôle de chien de garde qui est l’essence même de leur métier, creusant pour faire émerger la vérité? « Dans le contexte de précarité actuel en journalisme, on doit se battre pour préserver la dignité de notre profession », a affirmé Dan Fagin, professeur de journalisme à l’Université de New York, lauréat d’un prix Pulitzer et invité à Séoul pour donner une conférence sur l’avenir du journalisme scientifique à l’ère numérique.

 

Dominique Forget est journaliste au magazine Québec Science. Elle est également chroniqueuse santé au magazine L’actualité et à l’émission Les Éclaireurs, sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première. Elle siège au conseil d’administration de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques.

 

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