Les contaminants organiques : au-delà des idées reçues


Les contaminants organiques : au-delà des idées reçues

Le jeudi 2 juillet 2015

Par Thierry Lefèvre

Alors que les méfaits de la pollution sur la santé des populations progressent, les sociétés déploient de plus en plus d’efforts pour gérer ce défi complexe. Quant à elle, la science progresse, certains faits sont même bien établis, mais beaucoup d’incertitudes demeurent quant à la toxicité des produits générés par les activités humaines. Par ailleurs, de nombreuses idées reçues persistent dans le grand public. Pour y voir plus clair, l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS) a organisé le 28 avril dernier une Formation Repère dans les bureaux de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) — Centre Eau Terre Environnement, à Québec.

Un des problèmes, comme l’a expliqué Normand Voyer, professeur au Département de chimie de l’Université Laval et premier intervenant lors de cette soirée, est que deux molécules presque identiques peuvent avoir des effets opposés. L’une peut être dommageable pour la santé, l’autre inoffensive. Ce principe a été à l’origine du drame de la thalidomide dans les années 1950-1960, où un subtil réarrangement moléculaire a transformé un simple analgésique en agent qui inhibe la croissance des membres du fœtus. Ainsi, malgré les avancées scientifiques, les chercheurs sont toujours incapables de prédire la toxicité d’une substance à partir de sa structure chimique.

Le Pr Voyer a aussi défait certains préjugés entourant les molécules naturelles et synthétiques, insistant sur le fait que la nocivité d’un produit ne résulte pas de son origine, mais de sa formule chimique. Toute naturelle qu’elle puisse être, une substance peut être redoutable. La strychnine est un puissant poison, que l’on extrait de noix parfaitement naturelles…

« Le poison est dans la dose », a rappelé M. Voyer. Mais pas toujours! « Parfois certains faits vont à l’encontre de l’intuition », précise Cathy Vaillancourt, professeure en toxicologie à l’INRS et deuxième expert à s’exprimer pendant la formation. Habituellement, l’effet d’une substance augmente avec la dose, mais certaines molécules sont plus toxiques à faible qu’à forte dose! Un paradoxe encore inexpliqué…

Mme Vaillancourt a également souligné que, « si les enfants et les femmes enceintes sont très vulnérables, chaque individu est exposé aux contaminants tout au long de sa vie ». L’exposition peut même être très insidieuse. Parfois, les effets sont transgénérationnels et se propagent d’une génération à l’autre. La mère est affectée, mais ses enfants et ses petits-enfants aussi!

Néanmoins, si la pollution influence notre santé, et parfois celle de nos descendants, rien n’est inéluctable, car c’est notre mode de vie au complet qui contribue à déterminer notre état de santé. Ainsi, si un fœtus est exposé à un polluant, augmentant la probabilité de développer une pathologie donnée, le mode de vie ultérieur de l’individu (alimentation, activité physique, réduction du stress, etc.) peut contrebalancer l’exposition à certains contaminants.

Pour répondre à divers besoins, les sociétés créent continuellement de nouvelles molécules. Beaucoup sont bénéfiques pour l’être humain, comme c’est le cas des médicaments, mais certaines se révèlent nocives et, pour beaucoup, l’effet est inconnu, notamment à long terme. Il ressort de cette Formation Repère que c’est aux sociétés d’évaluer les risques et les bienfaits des nouveaux produits et d’en tirer les conséquences. Pour atteindre cet objectif, les études sur les répercussions des contaminants s’avèrent indispensables.

 

Thierry Lefèvre est professionnel de recherche au Département de chimie de l’Université Laval dans le groupe de recherche de la Pre Michèle Auger. Il est passionné par l’environnement et le développement durable et diffuse de l’information scientifique sur son blogue Planète viable.

 

 

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