Retours sur le congrès: « Une époque intéressante n’est pas une époque facile! »


Retours sur le congrès: « Une époque intéressante n’est pas une époque facile! »

Le jeudi 2 juillet 2015

Par Lucie Luneau

La culture scientifique au Québec : crise et transformation.

Par Lucie Luneau

Le sous-titre du congrès de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS) aurait pu être : « Une époque intéressante n’est pas une époque facile! ». Cependant, en ce qui concerne la morosité ambiante, c’est un très fort sentiment d’espoir qui nous habitait lorsque nous avons quitté le Centre Urbanisation Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique le soir du 6 juin 2015.

En effet, si les difficultés financières que vit la communication scientifique ont été abordées, cette réunion a eu comme conséquence d’être une source d’inspiration pour l’avenir. Le message envoyé peut se résumer en trois mots : courage, innovation et audace.

Les conférences en un clin d’œil

L’ACS avait convié un panel d’invités d’horizons très différents. Chacun portait une vision singulière et estimait très fortement la culture scientifique. Tous ont présenté des pistes de réflexion originales pour dépasser l’austérité du climat actuel. On a d’abord pris le pouls de l’action culturelle scientifique. Catherine Lord a présenté les résultats d’un sondage effectué par le Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociale (CLIPP) où elle est directrice scientifique. Réalisé auprès de 65 gestionnaires de structures liés à la culture scientifique (des OBNL), le sondage démontre que même si 44 % avaient subi des coupes et que 50 % avaient dû abandonner des projets, leur vision de l’avenir restait cependant positive, et seuls 18 % des sondés pensent qu’il est difficile de mettre en place des projets.

Marie Grégoire (spécialiste des relations publiques) a souligné l’énorme potentiel de crédibilité acquis par la communication scientifique. Elle a ensuite enjoint l’auditoire à faire preuve d’audace et d’innovation dans la forme et la structure, en citant des exemples de réussite comme Airbnb ou Netflix. « Vous êtes crédibles, vous avez du contenu, à vous de définir l’avenir ». Chantal Thomas, consultante en philanthropie à l’Université de Montréal, a encouragé les organismes en mal de financement à s’appuyer sur cette crédibilité pour demander des dons au grand public. Il s’agit de communiquer sur le climat financier difficile et d’amener les gens à faire « un acte de foi » pour soutenir une cause qui leur tient à cœur. Marie-Claude Ducas, journaliste scientifique, est revenue plus explicitement sur les troubles que vit le journalisme en général et le journalisme scientifique en particulier. Ce malaise est lié au bouleversement, excessivement rapide, de l’accès à l’information dû à Internet : « Le journal La Presse parie sur l’information sur tablette avec La Presse +, une technologie vieille de seulement cinq ans. » Cependant, si Internet est un vaste océan dans lequel on peut avoir accès à de l’information de qualité, on peut y trouver toutes sortes de théories conspirationnistes. Pour Marie-Claude Ducas, le rôle des vulgarisateurs, c’est d’être des phares pour donner des repères aux gens afin de trier le vrai du faux. Un regard a été jeté de l’autre côté de l’Atlantique où les réalités du  financement ne sont pas les mêmes qu’au Québec. Bernard Chevassus-au-Louis a présenté un ambitieux « Programme d’investissements d’avenir sur la culture scientifique » mis en place par le gouvernement français. Il a ensuite appelé les associations québécoises à profiter de cette dynamique en créant des projets de coopération franco-québécoise. 

Extraits d’ateliers

Au cours de l’atelier des entrepreneurs de la culture scientifique, Mirelle Massouh a partagé un témoignage encourageant sur son expérience de création d’entreprise. En effet, depuis un an, elle développe Massouh Biomédia qui propose de l’illustration 3D médicale et scientifique. Caroline Julien a aussi présenté l’entreprise qu’elle a fondée, CREO, une plateforme de vulgarisation multidisciplinaire du jeu vidéo éducatif. Elle a également présenté les questions auxquelles le site, malgré sa réussite incontestable, fait aujourd’hui face : comment pérenniser les 45 000 connexions mensuelles? Doit-on les monnayer et faire payer les usagers?

Aux questions sur la pertinence du regard entrepreneurial sur la crise de la vulgarisation et de la communication scientifique, les intervenants répondent que la pression de trouver des clients leur a appris à mettre en valeur leurs forces, à cibler les besoins et à s’organiser en fonction des objectifs à atteindre.

Noah Redler, directeur de la maison Notman (qui offre un environnement de soutien pour la communauté des jeunes pousses technologiques), a mentionné que Montréal est une place qui bouillonne de projets de technologie très innovants en ce moment.

Dans un autre atelier portant sur les financements des projets de culture et de communication scientifique, Mariève Paradis, fondatrice de Planète F, a expliqué qu’une campagne de financement participatif réussie nécessite de la préparation, de la planification et l’implication des donateurs. Les réseaux sociaux permettent d’immerger les personnes intéressées dans la réalité de la création du projet. Ceci lui permet non seulement d’atteindre son objectif financier, mais aussi de créer une communauté. C’est grâce à cette stratégie que le site Planète F a trouvé ses abonnés.

Thomas Bastien, directeur adjoint de la Fondation du Musée des beaux-arts de Montréal, a su enthousiasmer l’auditoire en présentant les collaborations très originales qu’il a mises en place entre le Musée et des acteurs privés. Il a donné l’exemple d’une exposition réalisée en partenariat avec Mondou (détaillant de produits et d’aliments pour animaux de compagnie). Il a exhorté les gens présents à faire preuve d’audace aussi bien dans le choix des partenaires financiers que dans la manière d’aborder les partenaires potentiels, en utilisant les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn.

Assemblée générale

Lors de l’assemblée générale, un bilan très positif sur l’action de l’Association a été dressé pour l’année écoulée. L’ACS a su affronter un climat financier très tendu. En effet, les subventions gouvernementales ont été coupées en décembre dernier. L’équipe de direction a pallié ce manque en trouvant des partenaires privés. Le grand succès de la campagne de financement participatif pour acheter des panneaux publicitaires pour contredire ceux de Friends of Science (une association albertaine climato-sceptique qui implique le soleil comme cause du réchauffement climatique) a été évoqué. L’effort de modernisation de l’activité de réseautage, qui chaque fois a été  un franc succès, a été salué. En effet, la formule conférence, vins et fromages a su attirer les foules (« on se demandait où l’on allait pouvoir mettre tout le monde! »).

Place aux lauréats

S’en est suivie la traditionnelle remise de prix. Dominique Bertaux a reçu le prix Hubert-Reeves pour son ouvrage Changements climatiques et biodiversité du Québec : vers un nouveau patrimoine naturel. Il a exprimé son émotion et souligné que, pour un chercheur actif dans la communauté scientifique internationale, écrire en français n’était pas forcement naturel. 

Serge Lepage a reçu le prix Hubert-Reeves dans la catégorie jeunesse pour son livre Découvrir les océans — Initiation à l’océanographie, science de la mer. Visiblement ému, il a chaudement remercié son éditeur et l’ACS. 

Camille Martel a reçu le prix de la relève pour son article « Un air qui déjoue l’oubli » dans lequel elle s’intéresse à l’effet préventif de la musique sur les démences.

La bourse Fernand-Seguin a été attribuée à Renaud Manuguerra-Gagné, pour un article sur la mémoire génétique, son influence sur notre comportement et sa transmission à nos enfants. Il a déclaré « être plus doué pour parler de science que pour en faire ». Il a souligné le besoin de vulgarisateurs professionnels dans notre monde, à l’heure d’Internet.

Lucie Luneau est chroniqueuse à la radio CISM et étudiante au doctorat à l’Université de Montréal. Elle aime décrypter les avancées de la recherche qui croisent ses lectures, pour partager sa passion de son métier et de la science.

 

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