Chronique linguistique


Chronique linguistique

Le jeudi 2 juillet 2015

Par Pierre Sénéchal

Bonjour à toutes et à tous. 

La chronique de ce mois-ci traite d’un mot issu principalement du domaine scientifique, mais qui, de plus en plus, est utilisé à mauvais escient, probablement sous l’influence des acceptions anglaises de specific qui sont toujours utilisées, mais qui sont considérées comme vieillies en français au Canada. 

« Spécifique » :

1. Didact. Propre à une espèce (biologique, logique), à une sorte de chose et à elle seule

La faculté de se perfectionner, caractère* (cit. 13) spécifique de l’espèce humaine.Caractères spécifiques de la culture extensive (cit. 1). | Fixité générique et spécifique de la plante (2. Plante, cit. 3). | Hérédité (cit. 12) spécifique et raciale.Nom* spécifique (? Générique, cit. 3). — Phys.Poids* spécifique; volume* spécifique.Chaleur spécifique : quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 °C la température de 1 g de la substance. — (1907). Comm.Droits* spécifiques et droits ad valorem perçus par les douanes. — Chim.Réaction spécifique, caractéristique d’une substance et d’elle seule. — Méd.Causes spécifiques, qui sont toujours liées à la même espèce de troubles. — (1890). | Microbe spécifique, pathogène pour une seule maladie. | Remède spécifique, ou, n. m.(1694), un spécifique : remède propre à guérir une maladie particulière (? Drogue, cit. 5; génépi, cit. 1; guérir, cit. 4; pharmacopée, cit.). | La quinine, remède spécifique du paludisme.

Cour. Propre à une chose et à elle seule. Caractéristique, propre, spécial (I., 2.), sui generis.L’odeur spécifique des cahiers vierges (? 1. Livre, cit. 7). 

2. Qui forme une espèce déterminée, ne peut se rattacher à autre chose ou en dépendre.

Impression spécifique (? 2. Chagrin, cit. 15). | La monnaie (cit. 5) est quelque chose de spécifique. Méd.Maladie spécifique, dont l’étiologie est bien établie, qui est toujours provoquée par les mêmes causes et soignée par les mêmes remèdes. — (1862). Vieilli.Maladie spécifique : nom donné parfois à la syphilis (d’où un spécifique : un syphilitique).

Précis, déterminé. (Le Grand Robert de la langue française, 2009, cédérom) 

Qui est propre à une espèce. Le goût spécifique de l’érable. | Un terme spécifique, par opposition à un terme générique. Ant. générique.

Note syntaxique

L’adjectif spécifique se construit avec la préposition de. Les caractéristiques spécifiques d’un champignon. Par contre, l’adjectif propre se construit avec la préposition à. Les qualités propres à cette personne sont le dynamisme et la détermination.

Note technique

Ne pas confondre avec l’adjectif spécial, propre à une personne, à une chose (Multidictionnaire, 5e éd., 2009, p. 1516). 

- Qui est clair, sans ambiguïté. Précis, explicite.

Ce sens de « spécifique » est vieilli, quoique encore très vivant au Canada sous l’influence de l’adjectif anglais specific. Par exemple : Soyez plus précis.

Spécifique : Relatif à l’espèce, qui a son caractère propre. Par exemple : On serait enclin à penser que la bêtise est un trait spécifique de l’être humain  (En français dans le texte, Dubuc, 2e éd., 2000, p. 151).

- L’adjectif spécifique, cependant, ne désigne pas depuis le xviie siècle le caractère particulier de précision d’une chose énoncée formellement. Pour dire cela de nos jours, il faut employer selon le cas les adjectifs explicite ou précis que traduit l’adjectif anglais specific. Ce sont des anglicismes que l’on commet quand on dit, par exemple, soyez [spécifique] au lieu de soyez explicite ou cette déclaration n’est pas très [spécifique] au lieu de cette déclaration n’est pas très précise. Les seuls sens que l’adjectif spécifique a maintenant sont « ce qui est propre ou qui se rapporte particulièrement à une espèce » (le verbe spécifier, dont spécifique est un dérivé, vient d’un verbe latin issu du substantif species, qui voulait dire « espèce ») : le rire est une qualité spécifique de l’homme, le poids spécifique d’un corps, le remède spécifique et « ce qui constitue une espèce » : un argot est un langage spécifique. (Dagenais, Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, 2e éd., 1990, p. 472).

- Spécifique : se dit de ce qui a ses lois propres, de ce qui est caractéristique, propre à une espèce (humaine, animale ou végétale), à qqn ou à qqch. Le mot s’applique à des noms comme propriété, qualité, fonction, exigence, remède, droits, poids, réaction, odeur, maladie, volume, langage, etc. Le remède spécifique d’une maladie (noter que propre se construit avec à). On ne parle pas d’un terme « spécifique » pour un terme propre ou précis. Remarquons que spécial, parfois voisin, pour le sens, de spécifique, peut s’en éloigner et s’appliquer surtout à ce qui est particulier ou exceptionnel : cours, classe, section, train, timbre, appareil, dictionnaire, édition, sens, cas, salle, arme, caractère, envoyé, mœurs, goûts, etc. (Hanse, Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, 3e éd., 1994, p. 834)

Exemples tirés de documents scientifiques trouvés sur Internet

4. Méthode de calcul des émissions de GES

Environnement Canada ne donne pas d’orientations détaillées sur des méthodes spécifiques [particulières] de calcul. On encourage plutôt les déclarants à suivre une méthode hiérarchique de déclaration. Premièrement, les déclarants devraient employer les mesures propres à leur installation quand ils les ont (ex. consommation de combustible dosé, contenu en carbone des combustibles et contenu énergétique, carbone non oxydé dans les cendres, etc.). (http://www.fpac.ca/publications/temp_file_FPAC_Guidance_GHG_Reporting_2013_FRENCH_Final1.pdf)

La découverte de ces nombreux sites dans la région du Pontiac (entre Fort-Coulonge et Quyon) en Outaouais a été suivie de plusieurs inventaires spécifiques [propres] à cette espèce dans cette région et en Montérégie (Hainault et St-Hilaire, 1989; St-Hilaire, 1990, 1991, 1992). Les inventaires effectués entre 1989 et 1992 ont été conduits à partir du système routier afin de vérifier la présence de l’espèce dans 5 comtés du sud du Québec, l’utilisation d’images satellite Landsat dès 1990 ayant permis de localiser de nombreux sites additionnels offrant un haut potentiel pour la nidification de l’espèce. (http://dendroica.ca/assets/4-bruant-sauterelle-qc.pdf)

En mars 2005, le caribou forestier a été désigné « espèce vulnérable » par le gouvernement du Québec, en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Par la suite, pour aider au rétablissement de cette espèce, un plan d’aménagement forestier spécifique [propre] au territoire du caribou de Charlevoix a été développé pour la période de 2006-2011. (www.crecn.qc.ca/fichiers-contribute/3-Biodiversite.pdf)

Jusqu’à tout récemment, l’impact de cette activité sur le milieu aquatique était inconnu, mais elle avait été identifiée comme une source potentielle de perturbation de la faune (Burton, 1991). Une étude spécifique [spéciale] récente (printemps 2000) a cependant conclu que, mis à part un point chaud situé à l’extrémité est de la zone de tir, la qualité des sédiments n’était pas altérée en ce qui concerne les métaux et les principales substances chimiques organiques (Cusson et Latreille, 2001). (ftp://ftp.mrnf.gouv.qc.ca/Public/Defh/Sfa/PDF_OGSL/LaViolette-2004.pdf)

 Pierre Senéchal est un réviseur linguistique pigiste qui possède plus de 13 ans d’expérience dans divers domaines scientifiques (voir profil dans le bottin de l’ACS). Il a travaillé pour des organisations des secteurs privé et public. Lauréat du prix Zénith d’excellence en communication gouvernementale 2009 et Évènements en 2014.

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Tél. : 418 657-3271

 

 

 

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