Interview des deux gagnants de la bourse Fernand-Seguin 2015


Interview des deux gagnants de la bourse Fernand-Seguin 2015

Le jeudi 11 juin 2015

L’Association des communicateurs scientifiques du Québec et Radio-Canada ont le plaisir d’annoncer que M. Renaud Manuguerra-Gagné est le lauréat de la bourse Fernand-Seguin 2015. Le Prix de la relève a été décerné à Mademoiselle Camille Martel.

C’est un article intitulé « Les souvenirs dans la peau » qui a valu la bourse Fernand-Seguin à Renaud Manuguerra-Gagné. L’auteur y explore l’univers de la mémoire génétique et la façon dont la mémoire de nos cellules peut influer sur notre comportement.

Camille Martel, âgée de 25 ans, reçoit le Prix de la relève pour son article « Un air qui déjoue l’oubli », dans lequel elle s’intéresse à l’effet préventif de la musique sur les démences.

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La science, le temps d’un café

Démêler les données. Essuyer des refus. Tirer son épingle du jeu. Le métier de journaliste en est un de défis. Encore plus lorsque vient le temps de démystifier les secrets de la science! Animés par cette même passion qu’est celle de la vulgarisation scientifique, les deux lauréats de la bourse Fernand-Seguin 2015 se sont rencontrés afin d’en apprendre un peu plus sur leur expérience, leurs intérêts et ce qui les a amenés là où ils sont aujourd’hui. C’est autour d’un café dans le Quartier latin que Renaud Manuguerra-Gagné et Camille Martel se sont raconté leur épopée « Fernand-Seguin ».

Camille Martel : Commençons par l’inévitable question, pourquoi as-tu participé à la bourse Fernand-Seguin?

Renaud Manuguerra-Gagné : J’ai toujours eu le plus grand plaisir à parler de science, bien que je n’aie jamais eu beaucoup le temps de le faire avec mon doctorat.

CM : Un doctorat! Tu as étudié dans quel domaine?

RMG : J’ai étudié en sciences biomédicales à l’Université de Montréal. J’y ai fait un baccalauréat, une maîtrise et, maintenant, je termine mon doctorat dans ce domaine. Pendant mon baccalauréat, j’ai suivi deux cours hors programme en journalisme et j’ai adoré ça. Ensuite, j’ai décidé d’achever le certificat en journalisme tout en poursuivant mes études de deuxième cycle. J’ai eu la chance d’effectuer un stage en journalisme scientifique à l’ACFAS (Association canadienne-française pour l’avancement des sciences) et j’ai aussi participé à des concours de vulgarisation. Notamment, j’ai remporté la troisième place à la finale internationale du concours « Ma thèse en 180 secondes ». En somme, mon parcours a commencé par une ligne droite qui a lentement bifurqué vers le journalisme scientifique. Toi, j’imagine que ça s’est passé beaucoup plus tôt?

CM : En fait oui, c’est littéralement l’inverse de ton cheminement. J’ai commencé par un baccalauréat en communication à l’Université Laval, car j’ai toujours voulu aller dans ce domaine. Mon premier stage a été en environnement, mais j’ai rapidement constaté qu’il me manquait quelque chose. Je devais en savoir plus sur l’aspect scientifique si je voulais pouvoir en parler. J’ai donc interrompu mon baccalauréat en communication pour entreprendre des études en sciences.

RMG : Le journalisme ne t’intéressait plus?

CM : Non, au contraire! Il faut seulement comprendre que je n’avais aucune base en sciences. J’ai toujours tout fait pour éviter ces cours durant mes études, car ce n’était vraiment pas ma force à l’école (rires). Pour comprendre ce dont je voulais parler, je devais avoir une meilleure base. J’ai terminé avec une majeure en sciences biologiques et une mineure en communication.

RMG : Mais les études en sciences ne font pas tout. Un doctorat en biologie ne m’aiderait pas si je devais rédiger un article sur l’accélérateur de particules du CERN! Tu ne crois pas qu’il faut être polyvalent au lieu de se spécialiser? Après tout, un journaliste judiciaire n’a pas nécessairement fait son barreau.

CM : La science est un langage tellement particulier que tu dois en connaitre les bases pour en parler adéquatement. Tu peux toujours en apprendre « sur le tas », mais, pour comprendre cet univers, je crois qu’il me fallait absolument une base scolaire. J’ai toujours voulu être journaliste, mais le cheminement normal ne me convenait pas, alors j’ai décidé de progresser à ma manière. Le prix de la relève me donnera les bases qui me manquent de l’autre côté de la médaille. Visiblement, tu es un passionné de communication scientifique malgré tes longues études. Pourquoi avoir seulement participé cette année et pas plus tôt?

RMG : Chaque année, je voulais le faire, mais on dirait que j’avais toujours une bonne raison de ne pas me lancer (rires). La rédaction de l’article pour la bourse arrivait toujours en même temps que des moments cruciaux de mes études : mon premier article, mon examen de mi- doctorat, le début de ma rédaction de thèse. Aussi, je préférais tout terminer avant de m’y plonger. Mais cette année était le moment propice à ma participation. Je suis très heureux de la conjoncture des évènements, car j’ai pu terminer mon doctorat et gagné la bourse Fernand- Seguin dans un contexte idéal!

CM : Pour toi, est-ce que cela veut dire que l’étude des sciences est chose du passé?

RMG : Pas du tout. Je crois que je vais toujours graviter autour du milieu universitaire, ma curiosité de chercheur est toujours aussi vive et j’ai adoré les expériences d’enseignement que j’ai eu la chance de vivre. Toutefois, je trouve que les chercheurs ne parlent pas assez de ce qu’ils font au public. J’aimerais beaucoup rapprocher la population de la recherche. En ce moment, je travaille à temps partiel pour un réseau de centres de recherche spécialisés en médecine régénératrice. J’y ai pour mandat de vulgariser en quoi consiste leurs travaux ainsi que les avancés médicales sur les cellules souches. Je fais le pont entre le chercheur et le public. Il s’agit aussi de simplifier des termes médicaux parfois nébuleux. Avec mes stages en journalisme scientifique, j’aimerais beaucoup concilier les deux, soit le pédagogique et le journalistique.

CM : Est-ce que cette distinction a été un défi lors de ta participation à la bourse Fernand- Seguin?

RMG : Pas vraiment. Ce que j’ai trouvé plus difficile a été le fait de devoir me spécialiser très vite dans un autre domaine que je ne connaissais pas du tout. Je passais de mon sujet de doctorat qui est « super spécialisé » à un autre qui l’était tout autant. Aussi, le sujet de mon article est un domaine à la fois nouveau et incertain, ce qui ne m’a pas facilité la tâche. De plus, j’ai eu de la difficulté à obtenir de l’information de la part de certains chercheurs. De toute évidence, ce n’est pas tout le monde qui veut partager ses recherches! Mais, d’un autre côté, moi je passais d’un domaine de la biologie à un autre. Toi, tu es partie de beaucoup plus loin.

CM : Oui, mais mon sujet me passionnait. Il était difficile, nouveau et très peu de recherches ou d’articles publiés l’appuyaient. La chercheuse que j’ai rencontrée m’a d’ailleurs beaucoup aidée. L’écriture a tout de même été difficile, car j’avais mille et une choses à faire en parallèle. J’écrivais déjà pour quatre médias, j’avais mes cours à Québec et à Montréal et je travaillais dans un laboratoire de biologie comme assistante de recherche.

RMG : Mon agenda n’était pas si chargé alors! (rires)

CM : Sûrement pas! C’est vrai qu’il a été difficile d’apprendre ce qu’il me fallait savoir pour mon article en même temps qu’accomplir mes tâches quotidiennes. Mais je voulais participer cette année parce que, malgré mon horaire, cette rédaction arrivait à un bon moment. Cette bourse est l’un des seuls moyens d’obtenir des stages en journalisme scientifique et apprendre sur le terrain est toujours la meilleure option.

RMG : Mais qu’espères-tu retirer de ces stages?

CM : Je voulais avoir une expérience avec des médias que je respecte. Je ne vois pas ça de la même manière que toi. Malgré le fait que j’ai eu l’occasion de côtoyer plusieurs chercheurs, je me vois toujours plus du côté du grand public. On est déjà bombardé d’infos de toutes parts. Ma quête est d’intéresser les gens à la science comme ils s’intéresseraient à n’importe quoi d’autre dans un téléjournal. Je veux la démocratiser le plus possible. On manque beaucoup d’informations sur ce qui se passe dans nos laboratoires québécois. Même si l’on tente de rendre la science simple, j’ai toujours l’impression que le public cible reste l’élite de la société.

RMG : Mais beaucoup de vidéos YouTube et de blogues sur Internet réussissent à toucher beaucoup de gens avec des sujets souvent très proches de leurs vies.

CM : Oui, c’est de mieux en mieux et moi j’aimerais faire partie de ce mouvement pour rendre accessible un contenu semblable à un maximum de personnes.

Rendre la science accessible est bien l’objectif principal de la bourse Fernand-Seguin. Il ne nous reste qu’à nous souhaiter une bonne expérience dans l’univers du journalisme scientifique tout en remerciant ceux qui ont rendu cette aventure possible ou qui nous accompagneront tout au long de nos stages. En espérant que vous serez au rendez-vous!

Interview réalisée et rédigée par Camille Martel et Renaud Manuguerra-Gagné.

 

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