Retour sur l’intelligence artificielle en 10 ans et 10 points


Retour sur l’intelligence artificielle en 10 ans et 10 points

Le lundi 4 mai 2015

Par Lucie Luneau

Le 7 avril 2015, grâce à l’Association des communicateurs scientifiques du Québec, un groupe de « neuro-curieux », composé de journalistes, de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants, s’est rassemblé au bar L’Amère à Boire dans une ambiance chaleureuse pour écouter Yoshua Bengio, spécialiste de l’intelligence artificielle, professeur au département d’informatique et de recherche opérationnelle à l’Université de Montréal.

Présenté par Martin Lessard, journaliste à l’émission La Sphère sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première, le Pr Bengio a commencé par rassurer l’auditoire sur le danger que représente l’intelligence artificielle pour l’humanité. En effet, selon lui, le dépassement de l’homme par la machine relève d’un scénario de film de science-fiction, aujourd’hui et pour longtemps. La capacité d’apprentissage actuelle d’un ordinateur équivaut à peu près à celle d’une grenouille. « S’inquiéter que l’ordinateur nous dépasse, ce serait comme si les Égyptiens s’inquiétaient de la pollution que créera le trafic des vaisseaux spatiaux sur Mars. »

Il a ensuite poursuivi avec un résumé de l’histoire du domaine de l’intelligence artificielle qui, après plusieurs années de stagnation au début des années 2000, connait un nouveau souffle depuis 2006 grâce aux progrès techniques de puces électroniques (GPU). Ces processeurs utilisés dans les ordinateurs permettent une puissance de calcul chaque année plus importante! Le Pr Bengio a également souligné le rôle déterminant que le Québec a joué dans le développement de l’apprentissage automatique (machine learning). La belle province a participé activement au financement de projets risqués et novateurs. Cette prise de risques s’illustre par la création de l’Institut de Montréal des algorithmes d’apprentissage, dont le Pr Bengio est un des codirecteurs et qui compte 50 chercheurs. Cet institut, de pointe en matière d’intelligence artificielle, a reçu 3,6 millions de dollars en dons d’Ubisoft et de Nuance Foundation.

Il a ensuite présenté un de ses projets de recherche qui concerne l’apprentissage de représentation profonde (deep learning), dont le fonctionnement est inspiré du cerveau humain, grâce à la simulation de réseaux de neurones. Il s’agit d’entrainer un programme informatique à reconnaitre les objets apparaissant dans une image et de le rendre capable de produire une phrase qui décrit la scène. Les exemples présentés sont frappants : l’ordinateur peut voir la photo d’une mère et sa fille dans un parc et produire la phrase suivante : « La femme lance le frisbee ». Cette performance achève de conquérir l’audience!

De nombreuses mains se lèvent alors pour poser des questions. Nombreux sont ceux qui se demandent à quoi cette technologie peut servir. Le Pr Bengio répond que Facebook utilise un algorithme similaire pour savoir si deux photos représentent le même visage et obtient un taux de réussite de 97,25 %, c’est à peine moins que les 97,53 % du taux de réussite humain. Le professeur précise que, pour qu’un ordinateur puisse apprendre à reconnaitre une personne ou un animal, il faut d’abord le lui montrer de nombreuses fois (grâce à des banques de données d’images) pour qu’il puisse s’entrainer à le reconnaitre. À la question de l’utilisation de ces technologies de reconnaissance dans des systèmes d’armement comme des drones, le Pr Bengio répond que c’est davantage une question politique que scientifique. Il souligne qu’il faut rester vigilant quant aux ambitions des gouvernements dans ce domaine.

Lucie Luneau est chroniqueuse à la radio CISM et étudiante au doctorat à l'Université de Montréal. Elle aime décrypter les avancées de la recherche qui croisent ses lectures, pour partager sa passion de son métier et de la science.

 

 

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