Le bédéreportage, une fenêtre sur la science


Le bédéreportage, une fenêtre sur la science

Le jeudi 12 février 2015

Par Amélie Gamache

Les Joe Sacco, Guy Delisle, Patrick Chappatte et autres Jacques Goldstyn font des émules. De plus en plus nombreux sont ceux qui privilégient le bédéreportage comme voie de transmission de l’information. À la croisée du journalisme classique et de la bande dessinée, le médium offre aux vulgarisateurs scientifiques un monde de possibilités à saisir.

Le magazine culture et société Nouveau Projet publie un reportage sous forme de bande dessinée à chaque tirage. « Le bédéreportage nous intéressait beaucoup », nous confie Judith Oliver, rédactrice en chef adjointe de la revue. « C’est vraiment un monde en pleine ébullition qui méritait à nos yeux une place au Québec. » 

Tous les bédéreportages parus ne traitent pas de sujets scientifiques. L’équipe s’est toutefois montrée intéressée lorsque Miguel Tremblay, physicien marqué par un documentaire sur l’enfouissement des déchets nucléaires en Finlande, a proposé un sujet sur le nucléaire au Québec. Ainsi est né 100 millénaires et des poussières.Citons aussi Sans anesthésie, qui relate d’une façon très personnelle le déroulement d’un accouchement naturel. « Ces enjeux ne sont pas déconnectés de la société, ils sont très liés à l’économie, à la manière dont on voit le monde, dont on gère son environnement,explique Judith Oliver. Ça a une place dans les magazines de société. »

Selon elle, les avantages du format sont nombreux et ne se limitent pas à la diversité visuelle qu’il procure à la publication. « Par le dessin, on va chercher des sensibilités différentes que par les mots, la photographie ou le documentaire. » À tel point que cela peut contribuer à attirer un nouveau lectorat, car « la bédé, puisqu’elle est associée au grand public, peut vraiment ouvrir des portes. C’est important que la science sorte des hôpitaux, des laboratoires de recherche! ».

Mais surtout, le dessin permet de représenter des idées complexes ou conceptuelles de manière imagée. « Les sujets scientifiques ne sont pas simples à vulgariser, et c’est parfois plus simple de passer par une image que par un mot. »

Un travail de collaboration

Qu’elle soit de l’initiative de la revue ou proposée par un journaliste intervenant externe, la publication d’un tel reportage est le fruit d’une collaboration entre un journaliste, un dessinateur et l’équipe de Nouveau Projet.

Une grande liberté est laissée au journaliste scientifique et au dessinateur. « Je fais un travail éditorial, nous explique la rédactrice en chef adjointe. Je m’assure d’une rigueur scientifique. J’impose les mêmes critères que pour un article ou un essai dans le magazine. » L’information doit être bien transmise et compréhensible, sans être trop simplifiée. « Par contre, je n’interviens pas comme une maison d’édition de bandes dessinées pourrait le faire sur la couleur ou le style de dessin, par exemple. » De la même manière, l’équipe éditoriale fait confiance au journaliste pour la recherche et le traitement d’informations.

Le format n’en présente pas moins des défis, car ce sont des codes de communication nouveaux et complètement différents qui reposent sur des dialogues et des images figuratives. « Faire rentrer des choses qui sont des notions scientifiques complexes, des raisonnements, des équations, des phénomènes macros, dans des images ou des dialogues, cela demande un travail de vulgarisation plus important, ajoute Judith Oliver. Il y a moins de mots! Il faut faire passer l’information d’une autre façon. »

Certains bédéreporters d’actualité, surtout de guerre, affirment utiliser le dessin pour créer une distance face à l’horreur de certaines réalités et ainsi rendre les images tolérables pour les lecteurs. En journalisme scientifique, l’effet peut être contraire. De vraies microphotographies ou des graphiques complexes de résultats, par exemple, peuvent être inaccessibles au néophyte. Les vulgariser en dessin les rapproche, les rend plus réels.

Et cela peut également permettre au lecteur de lever le voile sur le monde de la recherche. C’est par un plaidoyer pour la transparence que Judith Oliver conclut notre entretien. « Dans le grand public, on ne comprend pas très bien les logiques de financement des laboratoires de recherches, par exemple. Il y a des liens avec les laboratoires pharmaceutiques, tout est très compliqué. Cela serait vraiment très bien si cela devenait plus transparent pour tout le monde, et la bande dessinée peut être un outil en ce sens. » 

On est loin des Schtroumpfs!

Amélie Gamache

Amélie Gamache termine un certificat en journalisme à l’Université de Montréal et tente de conjuguer ses passions pour la politique et les sciences, ses premières amours universitaires.

 

 

 

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