Chronique linguistique


Chronique linguistique

Le mardi 23 décembre 2014

Le réviseur, un précieux collaborateur.

Par Pierre Senéchal

Comme certains semblent le croire, le rôle du réviseur linguistique n’en est pas un de « bourreau des documents », mais un d’éducateur. Le réviseur est là pour aider avant tout le client à améliorer la qualité, sur le plan de la langue, non seulement du document sur lequel il travaille, mais aussi la qualité des autres documents que celui-ci produira par la suite, s’il tient compte de ses interventions. Par conséquent, le réviseur est un collaborateur.

C’est donc dans cette optique qu’est née cette chronique, qui paraîtra au rythme des infolettres, sur certaines catégories de mots qui éclaboussent nos écrits. D’où proviennent-ils? Comment s’immiscent-ils dans notre langage? Aussi bien tenter de résoudre l’énigme de qui des deux, de l’œuf ou de la poule, est apparu en premier! Le fait est que nous devons faire preuve de vigilance et de rigueur si nous ne voulons pas tomber dans les pièges que nous tendent ces indésirables que je qualifie de « gros mots ». Vigilance, oui, car, après plus d’une douzaine d’années comme réviseur, je constate qu’ils possèdent le don de se renouveler!

À cause de notre situation géographique en tant que francophones et de la prépondérance qu’a acquis l’anglais au fil des années, nous sommes exposés de plus en plus, en sciences particulièrement, à une pléiade de termes et d’expressions que, vu leur similitude avec des expressions et des termes français, nous avons parfois tendance à traduire littéralement, voire à déformer. Eh oui! Ce sont ces chers anglicismes et autres impropriétés de langage. Quant aux anglicismes, on peut les diviser sommairement en deux groupes : les faux amis et les calques. 

Quelques faux amis courants feront donc la manchette des premières chroniques. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un faux ami? Selon Le Grand Robert de la langue française, c’est un « mot d’une langue qui présente une ressemblance trompeuse avec un mot d’une autre langue sans avoir le même sens ». Voici donc le premier. 

Affecter :

- Nommer, destiner à un usage particulier. Nous affecterons ces nouveaux employés à la plantation des arbres Syn. désigner.

- Faire étalage de sentiments qu’on n’éprouve pas vraiment. Ils affectaient de l’enthousiasme, mais en réalité ils étaient déçus.

- Toucher de façon pénible. Ce départ l’a beaucoup affecté. Syn. chagriner; émouvoir; peiner.

 Note Technique

En ce sens, le verbe ne s’emploie qu’en parlant de l’organisme, de la sensibilité.

 - (météorol.) Produire un effet sur. Le froid affectera les régions situées au nord du fleuve.

 Formes fautives

*affecter (une activité, un programme...) Anglicisme pour compromettre, nuire à (une activité, un programme...).

*affecter (une personne, un service...) Anglicisme pour concerner, viser (une personne, un service...).

*affecter (un résultat, des données...) Anglicisme pour influencer, influer sur, modifier (un résultat, des données...). (Multidictionnaire, 5e éd., 2009, p. 50)

 - Exercer une action sur, toucher (qqn) par une impression, une action sur (l’organisme, le psychisme). Tout ce qui affecte notre sensibilité.

- Exercer une action nuisible sur (un organe, l’organisme). Syn. Affaiblir, altérer, attaquer, atteindre. Usez modérément de ce remède : il affecte le cœur.

- Exercer une action sur la sensibilité de (qqn). Syn. Émouvoir, impressionner, toucher. Les émotions qui l’affectent.Spécialt. Affliger, frapper. Cette nouvelle, ce deuil, la mort de son frère l’a beaucoup affecté. (Le Grand Robert de la langue française, 2009, cédérom).

 - Anglicisme au sens de : avoir un effet ou des conséquences sur, modifier, influer sur, avoir une incidence sur (loi), atteindre, toucher, détériorer, concerner, toucher

 Cela va certainement influer sur [et non affecter] la façon dont nous aborderons le problème.

Cette décision nous concerne [et non affecte] tous. (Le Grand Robert & Collins, 2009, cédérom)

 Au sens de « produire un effet sur », le verbe affecter ne s’emploie qu’en parlant de l’organisme et de la sensibilité. Pour l’organisme, affecter comporte le plus souvent l’idée d’effet nuisible : l’effet prolongé de stimulants peut affecter le cœur. Pour la sensibilité, il signifie « produire un effet pénible sur » : dire de quelqu’un que la mort d’un ami l’affecte beaucoup, c’est dire qu’il en est très ému, très affligé.

 - Anglicisme au sens de : concerner, influer sur, intéresser, nuire à.

 La direction a pris une décision qui concerne [et non affecte] la plupart des employés.

La sécheresse influera sur [et non affectera] les prix de toutes les céréales.

Le nouveau règlement municipal nuira-t-il à [et non affectera-t-il] votre commerce?

En quoi cela vous intéresse-t-il [et non affecte-t-il]? (Dagenais,Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, 2e éd., 1990, p. 17)

Bonne science!

 Pierre Senéchal est un réviseur linguistique pigiste qui possède plus de 12 ans d’expérience dans divers domaines scientifiques (voir profil dans le bottin de l’ACS). Il a travaillé pour des organisations des secteurs privé et public. Lauréat du prix Zénith d’excellence en communication gouvernementale 2009 et 2014.

 Offre à tous les membres de l’ACS qui auront recours aux services Pierre Senéchal : rabais de 25 % sur le tarif courant, soit 30 $/h plutôt que 40 $/h.

 Courriel : psenchal@videotron.ca

Tél. : 418 657-3271

 

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