Journaliste entrepreneur — l’art de faire sa marque


Journaliste entrepreneur — l’art de faire sa marque

Le lundi 8 décembre 2014

Journaliste entrepreneur, un oxymore? Plus maintenant!

Par David Carter

« L’avenir du journalisme sera façonné par les entrepreneurs qui développent de nouveaux modèles d’affaires et des projets innovants — soit comme travailleur autonome, comme démarreur d’entreprise ou au sein des entreprises de médias traditionnels ».

École de journalisme de la City University of New York

Journaliste entrepreneur, un oxymore? Plus maintenant : les changements dans les sociétés occidentales réorganisent le marché du travail de telle sorte que le type dominant des emplois de l’ère industrielle — sécurité d’emploi et plan de carrière linéaire — devient seulement l’un des modèles. Éclairage sur ce nouveau phénomène.

De nombreux journalistes veulent se lancer dans la création d’une entreprise. Toutefois, d’après Alice Antheaume sur le blogue de Slate, on ne peut improviser les différentes étapes pour y arriver : trouver l’idée inédite, monter le plan d’affaires, collecter des fonds, embaucher ses premiers salariés, etc.

Pour aider les journalistes à faire partie des solutions aux défis posés par les changements dans le domaine des médias, Jean-Marc Fleury, titulaire de la Chaire de journalisme scientifique Bell Globemedia, et François Demers, professeur titulaire au Département d’information et de communication de l’Université Laval, ont réuni, dans un nouveau cours, une brochette d’experts en plan d’affaires et en fiscalité, ainsi que de nombreux journalistes indépendants et créateurs de nouveaux médias.

Offert l’hiver prochain, ce nouveau cours a pour objectif d’aider les futurs journalistes à découvrir et exploiter les nouvelles possibilités provoquées par les bouleversements dans le monde des médias, qu’ils soient employés par un média, qu’ils envisagent une carrière indépendante ou qu’ils projettent de créer leur propre entreprise.

Le cours Journalistes indépendants et entrepreneurs donnera à ses étudiants l’occasion de développer leur créativité et leur capacité d’anticiper les changements. Si vous travaillez au sein d’un média traditionnel, ce cours développera votre capacité en intrapreneuriat; vous anticiperez les changements au lieu de les subir. Si vous préférez faire carrière en tant que journaliste indépendant, ce cours fournira des outils pour obtenir une bonne renommée et devenir votre propre marque (brand). Enfin, si vous faites partie de cette époque où l’on réinvente le monde, où de nouveaux outils permettent à une personne de joindre rapidement un large public, ce cours vous initiera à la conception d’un plan d’affaires et au démarrage d’une entreprise.

Le cours est offert aux étudiants de toutes les disciplines. « De nombreux étudiants provenant des disciplines éloignées de la communication sont probablement susceptibles de tirer parti d’une immersion dans le monde des médias. En effet, leur propre marché du travail se transforme dans le même sens que celui des médias », affirme M. Demers, qui s’intéresse à la numérisation des médias depuis les années 1980.

Cependant, pour cette première version, « l’axe central du cours sera nettement l’activité du journalisme professionnel », précise-t-il. 

Pendant ce temps, à l’Université de Montréal…

Le journalisme à la pige n’est pratiquement pas couvert par les formations universitaires en journalisme. « On y parle très peu de magazines, presque pas du métier de recherchiste et l’on ne parle surtout jamais des difficultés du marché, de l’importance de proposer des sujets, de ce qu’est un synopsis, de l’importance d’un angle quand on s’éloigne de l’actualité brûlante, etc. », affirme Pascal Lapointe, coauteur du livre Les nouveaux journalistes,dont une nouvelle édition paraîtra sous peu.

Pour combler cette lacune, l’Université de Montréal offrira l’hiver prochain le cours Journalisme indépendant, qui sera d’ailleurs présenté par M. Lapointe.

Le cours s’adresse à tous les étudiants en journalisme parce que, s’ils réussissent à travailler en journalisme, « il est beaucoup plus probable qu’ils travaillent comme pigistes ou comme contractuels que comme salariés à temps plein dans une grande salle de nouvelles », soutient M. Lapointe. 

Beaucoup d’étudiants arrivent à l’université avec une série d’images décalées. « Les seuls journalistes qu’ils connaissent sont le journaliste d’enquête, le correspondant de guerre ou la vedette qui couvre le Parlement. Le tout évidemment dans une grande salle de rédaction », ajoute-t-il. 

Par ailleurs, bien que le terme « journaliste entrepreneur » soit passé dans le langage courant, il a été extrêmement galvaudé selon M. Lapointe qui le considère comme mal employé. « Trouver de bonnes idées et savoir les vendre, ce n’est pas être entrepreneur, c’est tout bonnement être travailleur autonome », explique-t-il.

Dans le milieu journalistique, le mot entrepreneur a remplacé le mot travailleur autonome au cours des années 1990. La raison est simple : entrepreneur est un mot plus sécurisant. « Le mot entrepreneur laisse sous-entendre que si quelqu’un est journaliste pigiste, pas de panique. Travaille fort, apprends à vendre tes idées, et bingo, tu vas réussir », précise M. Lapointe.  

L’évolution du marché des médias a rendu cette croyance obsolète. « Certains domaines, dont le journalisme scientifique, sont beaucoup plus fermés que d’autres envers les pigistes », déplore le rédacteur en chef de l’Agence Science-Presse. 

La « recette » entrepreneuriale prend l’eau. La popularité de la notion d’entrepreneur n’a pas empêché les journalistes pigistes de voir leurs revenus décliner systématiquement. Pour l’instant, aucun des médias créés sur Internet, comme Planète F, ne fait ses frais. « Il est trop tôt pour en parler comme des modèles », conclut M. Lapointe.

Sur le même sujet :

Dans son article « La montée du journalisme-entrepreneur », l’auteur Nicolas Langelier y écrit que « les journalistes entrepreneurs agissent comme de véritables agents libres pouvant offrir leurs services à gauche et à droite au gré des circonstances, mais aussi diffuser directement leur production au public, sans intermédiaire » et conclut que « si de plus en plus de journalistes auront leur propre carte professionnelle, celle-ci n’affichera pas le logo d’une entreprise de presse… » 

David Carter, agronome et biologiste de formation, repère les tendances en matière d’innovation pour le gouvernement du Québec. Vous pouvez le suivre sur Twitter @DavidCarter52

Soutenir l'ACS!

L'Association des communicateurs scientifiques vit grâce aux cotisations de ses membres, aux dons des partenaires et privés. Si vous appréciez ce que fait l'ACS, soutenez-la!

Faire un don

 

> Retour à la liste des nouvelles