Une maladie qui dérange...


Une maladie qui dérange...

Le mardi 6 novembre 2012

Si vous souffrez d’une leucémie, votre environnement de travail et votre entourage seront bienveillants. En serait-il de même si vous étiez atteint de dépression chronique, de schizophrénie ou de trouble bipolaire?

Qui y a-t-il derrière la folie ? Rencontre avec ceux qui dérangent...

Si vous souffrez d’une leucémie, votre environnement de travail et votre entourage seront bienveillants. En serait-il de même si vous étiez atteint de dépression chronique, de schizophrénie ou de trouble bipolaire? Si la maladie mentale n’est plus perçue comme une manifestation diabolique, elle hante cependant toujours notre imaginaire et réfère aux concepts de marginalité ou d’anormalité. De toute évidence, les préjugés ont la vie dure!

Le 10 octobre dernier, dans le cadre de la Journée mondiale de la santé mentale, l’Hôpital Louis-H. Lafontaine n’attendait que vous pour faire évoluer les choses. Comme le souligne Marie-Pier, utilisatrice de services, «la vraie différence est souvent dans l’œil de celui qui regarde». Cet établissement psychiatrique a ainsi organisé une rencontre interactive entre le grand public et ceux touchés par un problème de santé mentale: la bibliothèque vivante. Un concept novateur pour changer les regards!

Au delà de la couverture

Créée pour la première fois par une ONG danoise en 2000, l’initiative des bibliothèques vivantes a depuis été reprise dans 27 pays dans le but de diminuer les préjugés en tous genres. «Partant d’une charte disponible sur Internet, nous avons adapté ce concept à la santé mentale. La bibliothèque vivante s’organise comme toutes les autres bibliothèques hormis que les livres sont des personnes qui parlent de leur parcours, des livres vivants», précise Eric Skulski, agent à la Direction des services cliniques. Une idée folle, pensez-vous? Pourtant, la bibliothèque vivante en santé mentale a su ouvrir une voie de communication entre univers différents: les visiteurs (les lecteurs) et des patients ou leur entourage (les livres).

Les organisateurs avaient pensé à tout pour inciter le grand public à la découverte: accès gratuit, publicité, articles dans les médias. Le personnel de l’hôpital a aussi été encouragé à venir faire son tour. Mieux encore, les locaux de l’hôpital furent transformés en café-bibliothèque où des professionnels de la santé, jouant le rôle de bibliothécaires, organisaient les prêts et contrôlaient la disponibilité des livres.

Catalogue à la main, chaque lecteur choisissait des livres parmi une liste composée de sept patients souffrant de différentes maladies mentales, une policière, deux pairs aidants, deux proches, un infirmier et deux psychologues. «Une attention particulière a été mise sur les patients sélectionnés. Marqués par une histoire de vie difficile (pathologies lourdes avec multiples hospitalisations et thérapies), tous savent aujourd’hui gérer leur maladie et ont été préparés avec soin aux difficultés de l’excercice», nous apprend Eric Skulski.

Ce sont donc des livres riches d’expériences qu’il était permis de rencontrer pendant quinze minutes. Une question taraudait l’esprit ? Il suffisait de la poser. Vous vouliez découvrir qui se cachait derrière la couverture? Les livres partageaient des chapitres de leur histoire sans aucune réserve. Seule exigence: compléter un questionnaire afin d’évaluer l’apport de la journée en termes de connaissances et de préjugés sur la santé mentale.

D’une étiquette d’aliéné à une marque de bravoure

Contre toute attente démesurée, cette journée fut un franc succès! Les bibliothécaires ont accueilli quelque 200 lecteurs emplis de curiosité. Partout, la lecture était remise au goût du jour. «C’est formidable ! Depuis que j’ai découvert mon premier livre, j’ai eu envie de tous les feuilleter», confiaient certains lecteurs. Si cette réussite est impressionnante, elle a été rendue possible grâce à l’implication conjointe et enthousiaste de différents acteurs de l’hôpital. En plus des salaires des employés, un budget d’environ 2 000$ couvrait les dépenses liées au 5 à 7, quelques collations dans l’après-midi, un peu de décoration et les frais d’impression.

Je ressors de cette expérience avec un regard nouveau: il existe bien une différence fondamentale entre la collectivité «bien pensante» et les personnes souffrant de maladie mentale: le courage. Et il en faut pour s’exposer de la sorte sans faux semblants pour faire changer les mentalités. Bien plus qu’un bel après-midi culturel, c’est une leçon d’ouverture et de bravoure que cette bibliothèque vivante a su offrir.

Par Morgane Lemasson

Docteure en neurosciences, Morgane Lemasson travaille en recherche fondamentale à l’Institut en Santé Mentale du Québec. Passionnée par le transfert des connaissances, Elle est communicatrice scientifique et participe à plusieurs projets de vulgarisation scientifique (radio, presse écrite, conférences etc).

 

 

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