La science pour donner confiance aux filles


La science pour donner confiance aux filles

Le mercredi 19 février 2014

Dans la Petite-Bourgogne, à Montréal, un petit OBNL accomplit depuis 25 ans une grande mission. L’organisme Les Scientifines fait à la fois la promotion des sciences et celle de la persévérance scolaire auprès des filles.

Par Viviane Desbiens

Nées à la suite d’une étude menée par des travailleuses sociales sur les causes de la pauvreté chez les femmes et l’impact du décrochage chez les filles, Les Scientifines proposent les sciences à la fois comme un prétexte et un moyen pour développer chez les filles des compétences telles que les stratégies de lecture et la résolution de problèmes.

Leur clientèle est composée à 90 % de jeunes immigrantes de première ou deuxième génération, dont les parents souvent ne parlent pas français. « Dans les milieux moins favorisés, les filles s’en sortent souvent moins bien », explique Valérie Bilodeau, directrice de l’organisme.

Tous les ans, pas moins de 100 à 120 filles de la 3e à la 6e année participent aux ateliers des Scientifines. Chaque après-midi, après les cours, les animatrices passent à l’école chercher les filles. La première heure de l’atelier est consacrée à la collation et aux devoirs. Dans l’heure suivante, les lundis, mardis et mercredis, différents ateliers scientifiques sont proposés. Chaque semaine a une thématique différente. Les jeudis, l’heure de science est consacrée à la préparation des projets Expo-sciences. L’an dernier, 55 filles ont présenté 32 projets à environ 500 visiteurs. « On tente d’évaluer les progrès des filles selon différentes compétences comme le travail d’équipe, la confiance en soi, la curiosité, etc. Cette note fait partie de l’évaluation des travaux d’Expo-sciences et compte pour 40 %. » Les vendredis sont pour leur part réservés à l’atelier de journalisme scientifique.

Les Scientifines reçoivent aussi la visite de femmes oeuvrant dans différents domaines scientifiques ou exerçant des métiers peu communs pour les femmes : spéléologue, ingénieure, apicultrice, pompière, etc. Quarante pour cent des activités scientifiques proposées sont aussi en lien avec des domaines où les femmes sont moins nombreuses. « Le but est d’élargir leurs horizons et de les aider à savoir ce qu’elles aiment, c’est important pour la réussite scolaire et leur motivation », rappelle Mme Bilodeau.

Scientifine

Pourquoi offrir ces activités seulement aux filles? « C’est un lieu de socialisation, explique Valérie Bilodeau. Les filles osent moins si les garçons sont là, surtout vers 11 ou 12 ans. De plus, des parents issus de certaines communautés ne permettraient pas à leurs filles de participer si les garçons étaient là. » Certains enseignants recommandent même aux parents d’y envoyer leurs filles, à cause du soutien qui y est offert et qui peut les aider, notamment en français. « Nous offrons une stimulation qui n’est pas toujours disponible à la maison ».

Mme Bilodeau a commencé à travailler aux Scientifines il y a 12 ans, d’abord comme animatrice. Quand on lui demande ce qui est différent maintenant, elle mentionne une collection d’activités plus étoffée et des moyens plus poussés. À l’aide de subventions, l’organisme embauche comme animatrices de nouvelles immigrantes ayant une formation en sciences ou en enseignement. Après la subvention, plusieurs restent comme bénévoles et les animatrices en poste y sont depuis 3 ans.

La difficulté majeure, cependant, reste le financement. C’est un élément majeur pour appuyer la mission de l’organisme. Or, la plupart du temps, les enveloppes sont accordées par projet, sans récurrence. Mentionnant qu’il lui manque un employé à temps plein, Mme Bilodeau avoue faire une bonne part de bénévolat.

Quelle est la portée à long terme d’une initiative comme les Scientifines? Mme Bilodeau avoue son ignorance : « Nous n’avons que des témoignages encourageants, mais pas de statistiques. Nous aimerions savoir si elles finissent leur secondaire ». En ces périodes de vaches maigres, les statistiques doivent attendre…

 

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Viviane Desbiens est chercheuse-étudiante à la maîtrise en psychopédagogie à l'Université Laval. Son projet de recherche traite des processus qui peuvent faire en sorte que les animations scientifiques contribuent à la motivation en sciences chez les jeunes. Elle est lauréate 2011 du prix de la Relève.

 

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