Le bédéreportage: entre images et mots!


Le bédéreportage: entre images et mots!

Le mercredi 29 janvier 2014

L’accouchement revisité par le pouvoir évocateur et émotionnel des dessins et des bulles.

Par David Carter 

Publiée dans Nouveau ProjetSans anesthésie est la première expérience de bédéreportage pour Mélanie Robitaille. Lauréate du Prix de la relève de l’ACS en 2004, la microbiologiste de formation est devenue coordonnatrice de publications en environnement au gouvernement du Québec. Avant cette expérience, elle ne connaissait de la bédé que les classiques comme Astérix ou Tintin. À travers cette aventure, elle a découvert d’autres auteurs de bandes dessinées — Guy Delisle, Marjane Satrapi, etc. – traitant de divers sujets de façon réaliste, sans manquer de poésie ou d’humour. Par ses lectures, elle s’est imprégnée du style avec une idée en tête: réaliser un reportage réaliste et rigoureux sur l’accouchement naturel, basé sur son vécu personnel.

Mélanie voulait montrer un accouchement sans tabou, ni censure. « Je n’ai jamais envisagé mon sujet sous forme de texte. Le dessin avait l’avantage d’être très évocateur en évitant le côté choquant que pourraient avoir des photos ou des vidéos auprès d’un large public ». Elle faisait le pari d’informer les lecteurs sur l’accouchement tout en les touchant avec une histoire. Dans un format BD, Mélanie estime que les émotions se transmettent plus facilement. Même sans mots, le contenu peut être très saisissant. Par exemple, elle a choisi de présenter son deuxième accouchement en maison de naissance, plutôt que le premier à l’hôpital. « Nous avons résumé ce premier accouchement en une case et ma perception de l’ambiance hospitalière se comprend facilement », croit-elle.

La collaboration fut constante entre la scénariste et l’illustrateur Paul Bordeleau pour définir le contenu et l’écriture du scénario et aboutir en un récit de qualité. « C'était très stimulant de pouvoir profiter de son expérience, lui qui connaît si bien son métier et qui a beaucoup d’humour et d’imagination », confie Mélanie. Mise en confiance, elle s’est laissée guider. Dès que l’illustrateur a commencé ses dessins, à partir de photos fournies par Mélanie, les deux complices communiquaient tous les jours pour les valider ou les corriger. Même si elle soumettait le contenu et des idées d’images, « l’apport de Paul fut considérable pour le découpage de l’histoire, le choix du traitement, les touches d’émotion, la précision du dessin, etc. », affirme Mélanie. « Nous sommes auteurs du bédéreportage à parts égales », précise-t-elle.

A-t-elle pu transmettre tout ce qu’elle voulait dans ce format?Évidemment que non! « Avant que Paul ne commence le découpage de mon scénario pour déterminer le contenu des cases, j’avais déjà coupé plus de la moitié de mon contenu. Ensuite, Paul a aussi fait des choix, avec son œil de bédéiste. Moi qui viens du journalisme écrit, j'ai dû élaguer des détails comme jamais, mais Paul n'avait jamais réalisé de bédé avec autant de textes », confie Mélanie.

À propos des contraintes rencontrées, Mélanie a d'abord dû obtenir l'autorisation de tous les personnages figurant dans l'histoire. Heureusement, tout le monde a accepté. Seul un médecin interviewé a refusé de paraître dans la bédé après coup. « Cela aurait apporté une vision critique de la pratique médicale en obstétrique, mais c'est un sujet très délicat pour tout médecin qui s'avance sur ce terrain », estime Mélanie.

Devoir choisir dans un contenu si personnel a aussi été assez difficile pour elle. Comme Mélanie n’avait pratiquement pas de recul, elle a consulté des journalistes scientifiques de confiance. Solange Gagnon (sa mentore, retraitée de Découverte et rencontrée grâce à l'ACS) et Raphaëlle Derome  lui ont ainsi donné un point de vue extérieur.

Selon celle pour qui le bédéreportage a été une rencontre entre les mots et les images, la bédé s’applique très bien au journalisme scientifique. « Quel espace de liberté, de créativité et de possibilités! », affirme Mélanie. « D’ailleurs, Jacques Goldstyn n’œuvre-t-il pas dans le domaine de la bédé scientifique depuis longtemps! », conclut-elle.

 

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Secrétaire du Conseil d’administration de l’ACS, David Carter est agronome et biologiste de formation. Il repère les tendances en matière de recherche et de science pour le gouvernement du Québec. Vous pouvez le suivre sur Twitter @DavidCarter52.

 

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